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MARIE, LE CULTE DE LA VIERGE DANS LA SOCIETE MEDIEVALE

MARIE, LE CULTE DE LA VIERGE DANS LA SOCIETE MEDIEVALE

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Date d'ajout : vendredi 22 janvier 2016

par Jean-Michel MATZ

REVUE : ARCHIVES DES SCIENCES RELIGIEUSES ET SOCIALES, 1998

Dans sa préface, G. Duby rappelle l'origine de cet ouvrage : son séminaire au Collège de France (1990-1992) consacré à la femme dans la société des XIe-XIIe siècles et à « l'envahissement du féminin » dans le champ de la piété ; les études consacrées à Marie Madeleine ont été publiées dans les Mélanges de l'École Française de Rome. Moyen Âge (t. 104, 1992, pp. 7-340), l'ouvrage ici recensé rassemblant, les contributions relatives à la Vierge Marie, femme inaccessible et hors du temps, symbole, signe abstrait et métaphore de l'Église, véritable « système de valeurs » comme l'écrivent les trois éditeurs de ce riche et foisonnant volume dans leur introduction (pp. 5-12). L'ouvrage étudie donc « la lente élaboration du personnage multiforme de la Vierge, ou plutôt l'histoire de la configuration de ses fonctions », en perpétuel réaménagement ; la construction mariale connaît une accélération dans la vie liturgique et dévotionnelle au cours des IXe-XIe siècles dans l'empire carolingien et les royaumes chrétiens qui en sont issus, avec l'émergence de Marie comme figure individualisée ; la profonde réflexion eucharistique des XIe-XIIe siècles accentue encore ce phénomène au terme duquel la Vierge, devenue « Notre Dame », est la référence majeure des dévotions personnelles et des identifications communautaires. Les 19 contributions sont regroupées en 7 thèmes. 1) L'émergence de la figure de la Vierge (IXe-XIe) : E. P. et A.K. Johansson (pp. 15-43) étudient les jalons liturgiques dans l'Occident latin avant le XIIe siècle, depuis le plus ancien témoignage du culte marial (dédicace d'une basilique par le pape Xyste III, + 440) ; jusqu'au VIIe siècle, la fête unique de la Vierge, célébrée au jour de l'octave de la Nativité (1er janvier), montre que la thématique reste encore fondamentalement christologique ; entre la fin du vue et le IXe siècle se met en place le bloc des 4 fêtes (Annonciation, Assomption, Nativité, Purification) où seule la seconde est véritablement mariale ; l'étude porte ensuite sur le renouveau de la création de textes liturgiques, en particulier les tropes (textes intercalés dans l'antienne, dont les plus anciens connus appartiennent à des manuscrits de St-Gall) qui seront condamnés comme abusus missae au Concile de Trente. C. Maître démontre avec précision que pour la psalmodie de l'office, la célébration du commun des vierges a emprunté au culte mariai et non l'inverse comme il est parfois affirmé (pp. 45-64). Dans son étude sur « le culte de la Vierge sous le règne de Charles le Chauve » (pp. 65-98), D. I.-P. appréhende le caractère exubérant de la mariologie carolingienne, centrée sur la sainteté de Marie hors de la dépendance des problèmes christologiques ; le mystère de la Vierge est désormais bien individualisé dans le sanctoral mais la dévotion a aussi gagné une fonction généalogique. 2) « Marie, figure d'ordre » : D. I.-P. poursuit avec l'étude des ordines du couronnement des reines au IXe et montre l'importance de la Vierge-Reine dans le modèle royal carolingien (pp. 101-107). P. Corbet (« Les impératrices ottoniennes et le modèle marial », pp. 109-135) voit dans l'Italie, relais des influences byzantines au Xe siècle, la région qui, plus que toute autre, a associé la Vierge à l'exercice du pouvoir, comme le montre l'ivoire du château Sforza de Milan. A. Guerreau-Jalabert clôt ce thème avec l'étude de « l'Arbre de Jessé et l'ordre chrétien de la parenté » (pp. 137-170). 3) « Marie en représentations » : D. R. présente un long et riche dossier sur la formation d'une tradition iconographique mariale dans l'art occidental (pp. 173-291), dont il est malheureusement impossible de reprendre toutes les analyses pertinentes ; depuis les catacombes jusqu'au type de portée universelle créé par Giotto, l'auteur propose de voir dans Marie « l'une des structures de la chrétienté » (p. 284). 4) « Marie, l'espace ecclésial et l'espace liturgique » : C. Sapin réfute l'idée d'une continuité des rotondes mariales d'Occident des IXe-XIe avec les édifices orientaux de même sorte, les premières ayant une fonction plus liturgique que funéraire comme le suggèrent les exemples de Flavigny, Dijon ou surtout Auxerre (pp. 295-312). É. P. montre que l'élaboration d'un espace ecclésial, avec la multiplication des autels et l'évolution de leur dispositif, correspond à l'essor des messes privées et votives et l'importance des litanies où la Vierge est « Reine du salut » (pp. 313-325). H. Toubert étudie les représentations de « la Vierge et les sages-femmes » (pp. 327-360) et montre que l'art occidental accueille des motifs directement inspirés des évangiles apocryphes (Protévangile de Jacques et surtout l'Évangile du Pseudo-Matthieu) ; alors qu'E. Mâle ou E. Panofsky pensaient qu'il fallait attendre la fin du Moyen Age pour trouver simultanément Salomé et Zelomi témoignant de la virginité de Marie, l'A. montre que la pratique du drame liturgique a entraîné la confection de ce motif dès le XIe siècle finissant. P. L'Hermite-Leclercq étudie ensuite l'audace théologique de Philippe de Mézières dans la pièce de la Présentation au Temple, jouée dans l'église des cordeliers d'Avignon le 21 novembre 1372 avec l'autorisation du pape Grégoire XI alors que la fête ne devait être inscrite au calendrier qu'un bon siècle plus tard (pp. 361-380). 5) « Marie dans le texte » : M. Goulet et D. I.-P. donnent une nouvelle édition et une traduction de la Visio monachi Roberti qui est une des premières mises en scènes connues d'une « majesté » de la Vierge, le climat d'onirisme permettant de légitimer l'innovation de cette représentation de la Vierge pour elle-même (pp. 383-405). G. Lobrichon rassemble un riche dossier de textes (pp. 407-439) au sujet des réticences des Occidentaux à reconnaître la Vierge dans la femme du chapitre 12 de l'Apocalypse johannique. M. Goulet donne une traduction du Maria de Hrotsvita de Gandersheim (v. 9507), poème de 903 vers (connu par un manuscrit unique) qui suit fidèlement le Pseudo-Matthieu. S. C. Mimouni étudie la tradition littéraire des Transitus Mariae (près de 70 textes antérieurs au VIIIe siècle connus) sur le sort de Marie après la mort qui se prête à une grande diversité doctrinale (Dormition sans résurrection, Assomption avec ou sans résurrection), comme le montrent les 12 textes du Transitus W (pp. 471-509).6) « Marie et les groupes à risques » : H. Rôckelein étudie la vénération mariale dans sa relation à l'antisémitisme, à partir des 16 cas connus d'Églises mariales nées à partir ou à la place de synagogues dans l'espace de langue allemande entre 1349 et 1520 (pp. 513-532). K. Utz Tremp étudie la place de Marie dans le registre d'inquisition de l'évêque de Pamiers Jacques Fournier (1317-1326), et pense que la victoire sur l'hérésie est liée à l'Inquisition mais aussi à la mise en œuvre positive de la figure mariale (pp. 533- 560), même s'il faut émettre une réserve - au moins géographique - sur l'idée d'une « étroite fusion » de la vénération des saints avec la croyance au purgatoire. 7) « Miraculeuse Marie » : G. Philippart propose un premier bilan sur le miracle marial, genre littéraire (qui se distingue seulement des autres miracles par la figure de l'héroïne) rare dans l'Occident du premier millénaire et qui connaît ensuite une large diffusion, avec la constitution de collections de miracles spécifiquement mariaux à partir de la fin du XIe siècle ; l'A. conclut en appelant à une étude systématique de cette littérature hagiographique (pp. 563-590). Pour finir, G. Signori analyse la constitution des pèlerinages occidentaux de la Vierge à partir du Xe siècle, d'abord dans le nord-ouest de la France et dans la Belgique seconde, puis à partir du milieu du XIIe siècle au sud de la Loire (Rocamadour) et vers l'Est ; les miracles de la Vierge sont presque toujours un instrument pastoral aux mains des chanoines séculiers, qui répondent aux sollicitations d'évêques, d'où le caractère didactique de nombre de ces compositions. Malgré sa longueur, ce compte rendu est loin d'épuiser la grande richesse de cet ouvrage dense, qui contient autant de conclusions assurées que de pistes nouvelles de recherches. Il faut malgré tout regretter l'absence d'index et - mais était-ce matériellement possible ? - d'une bibliographie d'ensemble. Malgré cette petite réserve, l'entreprise est une belle et savante réussite.


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