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MARIE, LE CULTE DE LA VIERGE DANS LA SOCIETE MEDIEVALE

MARIE, LE CULTE DE LA VIERGE DANS LA SOCIETE MEDIEVALE

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Date d'ajout : vendredi 22 janvier 2016

par Paule V. B�T�ROUS

REVUE : RIVISTA MARIANUM, 1997

Suffit-il de faire préfacer un recueil par une plume prestigieuse pour obtenir un ouvrage réussi ? Le livre dont nous rendons compte offre l'avantage de la convergence thématique des articles et les inconvénients du travail collectif : l'inégalité du niveau des intervenants.
Vingt-deux historiens prennent à tâche un panorama de la dévotion envers Marie en Occident. Les contributions se regroupent autour de cinq centres d'intérêt : histoire du "culte" de la Vierge du Ve au XIe siècle (environ 100 p.) ; importance sociale de cette dévotion (environ 70 p.) ; iconographie (quelques 330 p.) ; Marie et les hérétiques (environ 40 p.) ; textes littéraires (environ 50 p.).
Dans le court espace qui nous est imparti, nous ne pouvons donner qu'une vue cavalière d'un volume épais, mais hétérogène.
Les deux premiers articles donnent un historique de la Dévotion mariale dans le Haut Moyen Age en se fondant sur les trop aires ou sur les psaumes utilisés dans les célébrations. Un point essentiel est rappelé : si l'Église attribue un honneur à Marie, elle le fait à la mère du Christ. L'office de la Vierge sera tiré de celui de Noël. La plus ancienne fête mariale se trouvait dans l'octave de Noël jusqu'au VIIe siècle. Un "bloc" de quatre fêtes lui succéda : Annonciation du Seigneur ; Dormition ou Assomption, fête de la maternité divine qui explique le sort unique réservé à la Vierge après sa mort ; Nativité de la Vierge ; présentation de Jésus au Temple que les Grecs appelaient Hypapante, rencontre de Jésus avec Syméon, devenue la Chandeleur, procession avec des cierges, c'est-à-dire marche des élus vers la clarté.
Que devient cette vénération dans la société ? Certains souverains comme Charles le Chauve, ou Otton II puis Conrad II nourrissent une dévotion spéciale pour la Vierge. En mêlant leur image à celle de Marie ils donnent un versant politique à leur vénération. Les rituels de couronnement présentent la Vierge comme figure de référence des reines dont on attend la naissance de princes chrétiens. La promotion du mariage par l'Église passe par un plus grand respect de la femme, à l'école de Marie dans sa chasteté et sa maternité.
Le panorama de l'art inspiré par la dévotion mariale occupe le plus grand nombre de pages. Un thème de la fin du XIe siècle, l'arbre de Jessé où Marie (non Joseph) tient une place essentielle, nous vaut une pénétrante étude sur une création originale (ancêtres en bas et non en haut). L'arbre de Jessé n'est pas l'application d'un schème généalogique commun. Il s'agit de parenté spirituelle, d'arbre de vie. L'arbre de Jessé illustre le passage de la génération charnelle Jessé) à une génération spirituelle (la Vierge et le Christ). Il met en œuvre le schème fondamental chrétien d'organisation de la société reposant sur la domination de l'esprit sur la chair. Ce schème sous-tend un ensemble de pratiques sociales articulées par l'idée de caritas et fonde l'autorité de l'Eglise.
Au milieu du livre s'insère un mémoire de 120 p. sur les représentations de Marie en Occident à trois moments : moment romain de Marie Theotokos, reine des cieux (V-VIe siècle) dont l'inspiration provient des patriarcats orientaux ; moment impérial sous les Carolingiens puis Ottoniens dans une dépendance plus étroite avec Constantinople ; moment grégorien jusqu'à la fin du XIIIe siècle avec les Majestés, trônes de la Sagesse incarnée. Un article reviendra sur une des premières mentions de Vierge en majesté à Clermont-Ferrand avant l'an mil, dans la Visio monachi Roberti. L'architecture reçoit aussi l'empreinte de la vénération de Marie.
Les apocryphes ont flatté le côté sentimental de la dévotion populaire, qu'il s'agisse du protévangile de Jacques (IIe siècle) dont on retrouve périodiquement des épisodes dans l'art et dans le drame liturgique (l'incrédule Salomé de la Nativité), ou du drame liturgique en latin que Ph. de Mézières fit représenter, une seule et unique fois, avec l'autorisation du pape Grégoire XI en 1372 à Avignon, à la gloire de la Présentation de la Vierge au Temple (avant que l'Église ait accepté cette tradition), Les apocryphes inspirent aussi les poètes. Maria, première œuvre de la poétesse de la Saxe ottonienne Hrotsvita, répond à l'ambitieux projet de réécrire des œuvres chrétiennes de forme médiocre pour leur donner une qualité littéraire. Toutefois, elle conserve les seuls textes qui ne contredisent pas l'orthodoxie, sa dévotion envers Marie reste christocentrique.
Deux articles traitent d'exégèse ; l'un pour rappeler la réticence des exégètes occidentaux à reconnaître Marie et non l'Église dans la femme du chapitre 12 de l'Apocalypse dès le IXe siècle, l'autre pour montrer la prudence des exégètes face au transitus. Le corpus édité par A. Wilmart représente les trois types d'écrits du VIIIe siècle sur la fin de Marie : dormition ; dormition et assomption ; assomption avec ou sans résurrection. Même dans sa définition dogmatique, des siècles plus tard, le pape Pie XII n'est pas entré dans la question, très discutée, de la mort de Marie.
Marie et les non chrétiens inspirent des passages inégalement informés et rédigés. Pour les erreurs : Gautier De Coinci inclus parmi les compilateurs latins des XIe et XIIe siècles (p. 513), alors que ce poète a écrit en francien au XIIIe siècle. Un tel début ne risque-t-il pas de faire craindre d'autres confusions de chronologie ? Pour le français : "apogée" (p. 523) est du masculin ; "soidisant" ne s'emploie pas à la place de paraît-il (527) ou prétendu (531). Pour le style : « Marie le produit imaginaire de… théologiens fanatiques et de masses populaires hystériques ». L'Auteur confondrait-il parole pamphlétaire et exposé scientifique ? Nous partageons l'indignation de l'Auteur face à l'horreur de la persécution contre les Juifs, mais dans l'équation posée : « Bouchers de Juifs en tant que dévots de Marie… » n'est-il pas inadmissible de mêler un nom de profession, pas plus infâmante qu'une autre, à une situation aussi grave ? Voilà des expressions d'un autre âge qu'un chercheur qui respecte son public bannit quand il prend la plume.
Le registre de l'inquisiteur Jacques Fournier (1317 -1326) nous renseigne sur la vénération de Marie qui restait chez vaudois et cathares. Les images paraissent contrastées chez les premiers. Les cathares niant l'Incarnation n'accordent aucun rôle à Marie. Mais leurs raisons tiennent moins à la théologie qu'à la misogynie. L'évêque de Pamiers ne semble pas s'inquiéter de ce rejet, à l'époque la vénération de Marie est bien enracinée.
Les deux derniers articles n'apportent guère de nouveauté. Le premier s'occupe de textes latins puis G. de Coinci et G. de Berceo apparaissent. S'il aborde les miracles en langue romane, l'exposé est à actualiser. Le récit de miracle "thérapeutique", rare selon l'Auteur après le Xe siècle, est un des plus répandus dan la Romania du XIIIe siècle. (Les tableaux synthétiques de notre thèse, premier essai d'étude d'ensemble de la question, le montrent). A la différence de ce qui est dit, en tant que récit indépendant, doté de qualités littéraires, le miracle marial (à ne pas confondre avec l'exemplum) naît en Occident en langue vulgaire au XIIe siècle. La confusion entre le concile d'Éphèse et celui de Chalcédoine, des dates erronnées (p. 582), la répétition sans discussion de jugements qui ne résistent pas à la lecture des œuvres (note 113) déparent l'article. Nous ferons les mêmes remarques sur la bibliographie à actualiser du dernier article où sont donnés des pourcentages (614) sans préciser le nombre de textes sur lesquels ils ont été calculés.
Cet ouvrage comblera-t-il le public de spécialistes auquel il s'adresse ? Rien n'est moins sûr, tant la démarche analytique, les interférences et redondances pèsent sur la lecture. C'est de synthèses nettes dont nous avons besoin.
L'abus de terminologie inutile ("espace ecclésial" pour église) ou erronée ("médiation" pour intercession 25, 33, 37, 43, 66…, 333, 449… "dogme" de la Theotokos 295 ; "adoration" pour vénération 116, 544, 557…) montre le flou de la pensée et l'insuffisance de connaissance de la théologie dont un minimum de notions est requis quand on s'aventure sur un tel sujet. Si certains articles sont d'un style agréable (137, 327, 361), d'autres gagneraient à être rédigés en suivant les conseils de Malherbe.
Entre la problématique prometteuse du début et l'accumulation de points d'érudition (parfois à vérifier) sans vue d'ensemble (personne ne se demande comment l'existence de Marie a changé le regard porté sur Dieu et sur la femme dans le Christianisme), l'ouvrage laisse au lecteur l'impression d'avoir manqué de coordination. Il existe un hiatus entre l'ambition du projet (portant sur près de mille ans) et sa réalisation (dépourvue d'index). Ainsi ce livre apparaît plus comme une tentative que comme une réalisation exemplaire.


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