Editions BEAUCHESNE

29.00 €

03. NIETZSCHE L'INTEMPESTIF

03. NIETZSCHE L\'INTEMPESTIF

Ajouter au panier

Date d'ajout : vendredi 04 décembre 2015

par Anne DUVIVIER

REVUE : ÉCRITURE 45

Dieu est mort ?
Relire Nietzsche
Cent ans après la mort de Nietzsche, des voix s'élèvent pour inviter à une relecture du philosophe. Ainsi Philippe Capelle, doyen de la faculté de philosophie de l'Institut catholique de Paris, dans La Croix du 28 août. Ainsi, dans l'entretien ci-dessous, le P. Paul Valadier, professeur au Centre Sèvres et auteur de quatre ouvrages sur Nietzsche.
« Dieu est mort ! Dieu reste mort ! Et nous l’avons tué ! » a écrit Nietzsche dans Le Gai savoir. Sur quels éléments peut-on se fonder pour affirmer, contre l'opinion courante, que cette célèbre formule ne constitue pas forcément une déclaration d'athéisme ?
- La philosophie nietzschéenne, beaucoup moins simple qu'il n'y paraît, est régulièrement l'objet de relectures. Donc, indépendamment de toute polémique, on peut aujourd'hui y découvrir des aspects demeurés cachés.
Il y a, en effet, une lecture dominante qui consiste à voir Nietzsche comme un auteur essentiellement critique, maître du soupçon, dans la ligne de la déconstruction de la métaphysique. On interprète la "mort de Dieu" comme la liquidation du Dieu métaphysique, et du coup du Dieu chrétien, supplanté par l'orgueil humain. Toute une tradition théologique s'est appuyée sur cette lecture.
Cependant, on s'aperçoit que si Nietzsche a en effet beaucoup critiqué la métaphysique, il n'en a pas moins, pour autant, passé la majeure partie de son temps à dialoguer avec le christianisme et la théologie chrétienne. Cela signifie que la question religieuse, chez lui, n'a jamais été complètement liquidée comme elle a pu l'être, par exemple, chez Marx. Et il le dit lui-même : ce avec quoi il se bat, c'est ce qui lui importe. Par sa philosophie, aussi bien que par toutes ses fibres, il s'est toujours refusé à l'idée que l'homme pouvait capter la vérité. Pour lui, c'est là que réside l'orgueil humain : parler de Dieu comme si on connaissait Son mystère, le dernier mot des choses. Et il s'élève contre cette captation ; et donc contre cet orgueil. En cela, on peut penser que Nietzsche prendrait rang dans la grande tradition des mystiques qui se sont refusés à cette appropriation trop humaine de l'image de Dieu par les Églises, les Institutions. Dieu est toujours plus grand que ce que l'on en dit, que ce que l'on en fait…

C'est dont ainsi qu'on peut entendre son "et nous l'avons tué" ?
- Tout à fait. C'est ce Dieu-là, sur lequel nous prétendions faire main basse, que nous avons tué. Ce Dieu d'ascèse, obsédant, qui contraint…

Le Dieu de son enfance, baignée par la foi et la discipline luthériennes ?
- Nietzsche est certainement incompréhensible sans sa référence protestante. L'instinct religieux ne s'est jamais éteint en lui. Il reste fasciné par le sens de l'homme, de son destin, de ce "chaos" dans lequel le plonge le désarroi d'une société qui survit à l'ébranlement des institutions religieuses. C'est beaucoup plus intéressant que de l'identifier à une sorte d'athée tranquille ! Si on veut aller encore plus loin, on peut dire que, pour lui, le premier grand athée, c'est… le Dieu de l'Ancien Testament, celui du monothéisme qui déclare : "Je suis tout seul, les autres n'existent pas", et qui, ainsi, tue le divin qui est insaisissable, non identifiable. Donc, la première mort de Dieu vient du Sinaï…
Le divin, ainsi que nous le montre Zarathoustra, ne peut être appréhendé que dans la beauté du monde, dans sa profondeur.

On peut donc parler d'influences panthéistes, syncrétistes, dans la conception nietzschéenne du divin ?
- On peut dire que Nietzsche annonce la modernité, anticipe une forme de syncrétisme qu'on peut observer aujourd'hui en réaction au désarroi des institutions religieuses, dans certaines sectes.

A travers les nombreuses publications suscitées par le centième anniversaire de la mort de Nietzsche, est-ce la question de Dieu qui est toujours d’une brûlante actualité, ou plus généralement un regain d'intérêt pour la philosophie qui se manifeste également à l'égard d'autres auteurs ?
- En France, comme en Allemagne, il y a toujours eu un grand intérêt pour la philosophie. Qu'on pense à Sartre, à Merleau-Ponty, qui ont rencontré une très large audience. On pourrait presque dire "populaire".
Le phénomène de Nietzsche est d'une autre nature. Nous sommes sortis des philosophies trop systématiques, à la Hegel, à la Marx, et Nietzsche répond à un besoin de sens : à l'instar de Socrate, il ne nous met pas devant un système où tout est figé de A à Z. Il nous provoque à penser. Sa lecture nous heurte, mais n'est-ce pas là le point de départ de toute pensée philosophique ?
En cela aussi il est d'une étonnante modernité. Son œuvre aborde de manière dérangeante des tas de questions: le corps, la beauté, la politique ... On peut ne pas être d'accord avec ce qu'il dit de la démocratie ou des femmes, mais encore une fois, qu'est-ce que la philosophie si ce n'est une interrogation permanente face à la réalité ? Le revers de la médaille, c'est que chacun peut prétendre le récupérer comme cela l'arrange : il reste avant tout un provocateur !


Donnez votre avis Retour
RECHERCHER DANS LE CATALOGUE BEAUCHESNE

aide


DICTIONNAIRE DE SPIRITUALITÉ
ÉDITION RELIÉE
DS

LE COMPLÉMENT PAPIER INDISPENSABLE DE :

DS
ÉDITION EN LIGNE




EN PRÉPARATION
LA RÉVOLUTION DE L’ÉCRIT. EFFETS ESTHÉTIQUES ET CULTURELS

FOLIES ET RIEN QUE FOLIES

Fascicule I
dans la même collection
Fascicule II Fascicule III Fascicule IVa Fascicule IVb

PENSÉE SYMPHONIQUE

LE POUVOIR AU FÉMININ

JEAN BAUDOIN (CA. 1584-1650) Le moraliste et l’expression emblématique

Écrits sur la religion


L'Education Musicale


SYNTHÈSE DOGMATIQUE

Partager et Faire savoir
Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager sur Google Buzz Partager sur Digg