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NIETZSCHE ET THÉRÈSE DE LISIEUX, DEUX POÉTIQUES DE LA MODERNITÉ

NIETZSCHE ET THÉRÈSE DE LISIEUX, DEUX POÉTIQUES DE LA MODERNITÉ

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Date d'ajout : vendredi 04 décembre 2015

par Bernard GINISTY

REVUE : TÉMOIGNAGE CHRÉTIEN

Nietzsche l’immortel
Il y a cent ans, le 25 août 1900, s'éteignait Friedrich Nietzsche. Peu de philosophes ont plus intensément que lui ressenti l'exigence d'explorer les possibilités de penser et de vivre. Au risque de se détruire. Au risque également d'être incompris et trahi !
Nietzsche pensait qu'il ne serait compris qu'en l'an 2000. Nous y sommes et peut-être est-il temps de relire son œuvre, par-delà les caricatures du philosophe dues principalement à sa sœur antisémite dont il réprouve « l'incommensurable bassesse des instincts ». Exprimée le plus souvent sous forme d'aphorismes et de textes courts, sa pensée traduit un face-à-face sans concession avec les idoles dont il démonte la généalogie et célèbre le crépuscule, bien avant Freud ou Foucault.
Lire Nietzsche, ce n'est pas entrer dans un système pour devenir nietzschéen, mais prendre le risque de l'aventure de la pensée. Il écrivait quelques mois avant de sombrer dans la maladie : « C'est mal récompenser son maître que de rester toujours disciple, Vous me vénérez : mais qu'adviendra-t-i1 si un jour votre vénération penche ailleurs ou s’écroule ? Prenez garde ! Une statue pourrait vous écraser […] Vous ne vous étiez pas encore cherché : c'est alors que vous m'avez trouvé. Ainsi font tous les fidèles et c’est pourquoi toute foi compte si peu. Maintenant je vous ordonne de me perdre et de vous trouver. Fils de pasteur destiné à être pasteur, Nietzsche s'est voulu « l'athée de rigueur » philosophant, comme il dit, « par le rire et à coups de marteau » contre les défigurations idolâtres du christianisme. « Jésus opposait à cette vie ordinaire une vie réelle, une vie en vérité : rien n'est plus éloigné de lui que le non-sens grossier d'un "Pierre éternisé" d'une éternelle prolongation de la personne. Ce qu'il combat c'est cette manière pour la "personne" de faire l'important ».
Dans notre société où le bavardage médiatique a réduit la confrontation du christianisme et de la modernité à une question de capote, lire Nietzsche permet de situer le débat à un autre niveau. Pressentant les massacres et les désenchantements qui allaient jalonner l'histoire de l'Europe du XXe siècle il écrit ces lignes fulgurantes : « Nous autres sans-patrie nous sommes trop peu tentés de prendre part à cette débauche et à ce mensonge de l'auto-idolâtrie raciale qui aujourd'hui s'exhibe en Allemagne. […] Nous sommes, en un mot de bons Européens [...] à la fois issus du christianisme et antichrétiens, et précisément, parce que issus de lui, et que nos ancêtres étaient des chrétiens d'une probité chrétienne radicale, qui ont sacrifié volontairement leur bien, leur sang, leur état, leur patrie à leur foi, Nous autres, nous faisons de même. En faveur de quoi ? De notre incroyance ? De toute espèce d'incroyance ? Non, vous le savez beaucoup mieux, mes amis ! Le oui caché en vous est plus fort que tous les non et peut-être dont vous souffrez solidairement avec votre époque ; et si vous deviez gagner la mer, vous autres émigrants, ce qui vous y pousserait, vous aussi, serait encore une foi. »
En juillet 1888, il écrit à sa vieille amie Malwida von Meysebug pour lui dire sa souffrance de se sentir seul et incompris, connaissant une « vulnérabilité insupportable ». Et il continue :
« On peut mourir d'être immortel ». A qui d'autre comparer cette expérience radicale, au risque de la folie, qu'à celle de sa contemporaine Thérèse de Lisieux ? Que de points communs : une éducation dans un contexte de névrose chrétienne du XIXe siècle, la mort de la mère à 3 ans chez Thérèse, du père à 5 ans chez Nietzsche, la maladie qu'ils connaissent jeunes. Et la radicalité de leur odyssée qui les conduit au thème de l'enfance, « O mes frères,


non derrière vous doit regarder votre noblesse, mais au-delà de vous. De tous les pays de vos pères et de vos aïeux vous devez être chassés ! C'est le pays de vos enfants que vous devez aimer. » Il faut évoquer ici le fameux apologue qui ouvre les discours de Zarathoustra « Comment l'esprit devient chameau, et lion le chameau et pour finir, enfant le lion. » L’esprit se charge d'abord, tel un chameau, de quantités de pesanteur pour affronter la vie. L’intégration des savoirs le métamorphose en lion. Nietzsche nous dit la force et la limite de cette étape : « Créer des valeurs neuves, le lion lui-même encore ne le peut » Reste alors la dernière métamorphose : « Mais dites mes frères, que peut encore l'enfant que ne pourrait aussi le lion ? Pourquoi faut-il que le lion ravisseur encore se fasse enfant ? Innocence est l'enfant et un oubli et un recommencement, un jeu, une roue qui d'elle-même tourne, un mouvement premier, un saint-dire oui. »
Dans ce texte frémissant, oscillant entre la foi en un mouvement premier de naissance et l'éternel retour du même, Nietzsche atteint les racines de la question spirituelle. Et c'est là que tout se joue. Chez Nietzsche, ce thème de l'enfance, bascule dans l'éternel retour tandis que pour Thérèse l'abandon à l'inénarrable gratuité de la grâce lui permet d'atteindre l'amour « par delà bien et mal ».
Dans le train qui ramena Nietzsche, après son effondrement, de Turin vers l'hôpital psychiatrique de Bâle, son ami Overbeck qui l'accompagnait l'entendit chanter le Chant du Gondolier qu'il avait naguère composé :
« Hier dans la nuit brune
J'étais là debout près du pont…
Mon âme comme une harpe
Invisiblement touchée
Se chantait secrètement un chant de gondolier
Tremblante de bonheur chatoyant
- Mais quelqu'un l'a-t-il écoutée ? »


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