Editions BEAUCHESNE

29.00 €

08. PHILOSOPHIE ET RÉALITÉ. Tome 2, Inédits suivis de Le cas Heidegger

08. PHILOSOPHIE ET RÉALITÉ. Tome 2, Inédits suivis de Le cas Heidegger

Ajouter au panier

Date d'ajout : jeudi 26 novembre 2015

par Arnaud SPIRE

REVUE : L'HUMANITÉ, octobre 2003

Eric Weil est un philosophe français, émigré d'outre-Rhin. Il est né dans le Mecklembourg en 1904 et il est mort à Nice le 1er février 1977. De la Baltique à la Méditerranée, il a suivi un chemin continu et cependant chaotique, intégrant sans cesse ses réactions aux événements historiques et dynamisant ainsi ses convictions philosophiques. Pour lui, la réalité - nature et histoire - prend sens dans la mesure où elle choisit librement la raison. Il ne doutait pas de la vertu du dialogue, seule activité susceptible, selon lui, d'éviter la violence et la barbarie. Socrate est mort pour le dialogue, après avoir passé sa vie à argumenter. Éric Weil, pour sa part, après avoir lu Mein Kampf prit en , toute lucidité la décision de quitter l'Allemagne si jamais cette dernière choisissait Hitler pour Führer: Dès 1933, Il se vit fielleusement proposer, en même temps que le cinéaste Fritz Lang, de collaborer au ministère de la Culture et de la Propagande de Goebbels. Tous deux prirent alors le premier train en partance pour la France. La théorie, en philosophie est parfois sommée d'intégrer le point de vue de la pratique en réalité. Sans doute est-ce là l'une des raisons pour laquelle les deux tomes de conférences et d'essais d'Éric Weil, parmi lesquels beaucoup d'inédits, portent en titre Philosophie et réalité. Le premier tome avait été publié presque intégralement en 1982 tandis que le contenu du second, à l'exception près de l'article sur le cas Heidegger, n'avait jamais été édité.
Dès son arrivée en France, Éric Weil, exilé, vécut une situation matérielle des plus précaires. Il eut toutefois la chance de fréquenter quelques éminents philosophes français comme Raymond Aron, Alexandre Koyré et Alexandre Kojève. C'est en participant au séminaire de Kojève sur Hegel qu'il contribua à renouveler la lecture de Hegel en France. Il publia dans cette intention, en 1950, un résumé de sa thèse « Hegel et l'État » où il fait litière de l'idée fausse selon laquelle Hegel aurait été l'admirateur de l'État prussien de son époque. En fait, ce qu'Hegel envisageait sous l'appellation d'« État moderne » représente plutôt une critique du trop pâle reflet de la Révolution française qu'était l'État prussien. L'analyse d'Éric Weil montre que si la liberté ne saurait s'accomplir sans État, ce dernier ne remplit sa fonction que s'il garantit l'existence de la liberté à chacun. Entre-temps, Éric Weil avait obtenu en 1938 la nationalité française. C'est après sa démobilisation et son retour de captivité qu'il fut recruté par l'École des hautes études, entra au CNRS et fonda la revue Critique avec Alexandre Koyré. Il y développa l'idée que l'avenir de l'enseignement de la philosophie consiste à passer du singulier indéfini au pluriel défini : de la philosophie aux philosophies. Il est en quelque sorte l'inventeur d’un pluralisme raisonnable qui seul parvient à dépasser la thèse sceptique selon laquelle la vérité n'existe pas, et la thèse selon laquelle l’ambition de vérité anime néanmoins le discours philosophique. Pour lui, « la philosophie ne transforme pas le monde, si l'on entend par transformer l'intervention active et directe dans le cours des événements. Et pourtant, elle est sans doute la puissance la plus grande puisque, par sa compréhension, elle transforme les hommes qui, comme on dit, font l'histoire, ou du moins ceux qui, sans sa compréhension, suivraient aveuglément ceux qui agissent, quelque violente et absurde que soit leur action. C'est son rôle de démasquer la violence » (tome l, page 14). On notera l'actualité du souci dont témoigne le penseur pour l'avenir de la philosophie. A cela s'ajoute le fait que toute réflexion philosophique est historique, comme est historique tout ce qui est humain : « La philosophie est, comme dit Hegel, son époque saisie dans la pensée. » Cette activité ne peut prescrire comment les hommes doivent agir. Elle peut seulement leur expliquer à partir de quel point ils quittent la voie de la raison et s'engagent dans celle de la violence, cette dernière se présentant insidieusement dans la société développée « sous le couvert de la raison, de la justice, de l'ordre, de la morale et de la religion ». La philosophie n'a pas de souci à se faire au sujet de sa propre durée, dès lors qu'elle s'inquiète de ce que le présent porte en lui d'avenir. Peut-être peut-on y voir une sorte de laïcisation théorique de la sacralisation de l'impératif de transformation sociale tel qu'il se présente chez Marx. Une manière d'invitation à rendre le pouvoir à la rationalité, c'est-à-dire à l'ensemble de ceux qui ne l'ont jamais exercé ou qui en ont été récemment privés.
On retrouve cette démarche dans le' tome II avec l’article définitif qu'Éric Weil conçut en 1947 pour les Temps modernes, sur le cas Heidegger : « Il est le seul philosophe important qui se soit prononcé pour Hitler ». Son existentialisme ne l'engageait pourtant pas à cette prise de position. « Sa philosophie, écrit Éric Weil, n'est ni réactionnaire ni révolutionnaire, elle ne reconnaît pas la politique. (. .. ) Peut-être sa philosophie est-elle insuffisante. Elle ne saurait être qualifiée de fausse simplement parce qu'Heidegger a adhéré au parti nazi, car pour prouver qu'elle est insuffisante, il faut démontrer qu'une philosophie de la totalité concrète - qui serait suffisante - petit réserver à l'individu la place à laquelle il ne renoncera jamais à la longue. » (Tome II, page 265.) L'auteur de l'article en conclut : « Le philosophe Heidegger, il faudra l'écouter, même et surtout quand on n'est pas d' accord avec lui. »
Les deux tomes de cet ouvrage sont de cette veine. Ils auraient pu être intitulés « Variations sur les distances qui séparent nécessairement la réflexion philosophique de la réalité ». Cela peut conduire à l'élaboration d'un nouveau statut pour l'idéal, à l'image de l'horizon qui s'éloigne quand on s'en approche.


Donnez votre avis Retour
RECHERCHER DANS LE CATALOGUE BEAUCHESNE

aide


DICTIONNAIRE DE SPIRITUALITÉ
ÉDITION RELIÉE
DS

LE COMPLÉMENT PAPIER INDISPENSABLE DE :

DS
ÉDITION EN LIGNE




EN PRÉPARATION
LA RÉVOLUTION DE L’ÉCRIT. EFFETS ESTHÉTIQUES ET CULTURELS

FOLIES ET RIEN QUE FOLIES

Fascicule I
dans la même collection
Fascicule II Fascicule III Fascicule IVa Fascicule IVb

PENSÉE SYMPHONIQUE

LE POUVOIR AU FÉMININ

JEAN BAUDOIN (CA. 1584-1650) Le moraliste et l’expression emblématique

Écrits sur la religion


L'Education Musicale


SYNTHÈSE DOGMATIQUE

Partager et Faire savoir
Partager sur Facebook Partager sur Twitter Partager sur Google Buzz Partager sur Digg