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SAINT-YVES DE TRÉGUIER, UN SAINT DU XIIIè SIÈCLE

SAINT-YVES DE TRÉGUIER, UN SAINT DU XIIIè SIÈCLE

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Date d'ajout : mardi 20 février 2018

par Bernard MERDRIGNAC

REVUE : Annales de Bretagne et des pays de l'Ouest. Tome 101, numéro 2, 1994.

Le titre de la collection dans laquelle paraît cet ouvrage, Saints de tous les Temps, a de vagues senteurs de sacristie ; sa couverture (élégamment désuète) évoque les images pieuses de naguère : il s'agit d'une miniature empruntée à un Livre d'Heures (B. N. ms. lat. 1369). En contrepartie, il faut reconnaître que la présentation typographique (impeccable) est d'une qualité rare, elle aussi, aujourd'hui.
Par ailleurs, la biographie historique a longtemps été considérée comme un genre mineur, abandonné par les historiens à des polygraphes de seconde main. Il serait regrettable que de telles préventions fassent passer à côté d'un travail qui contribue à une meilleure approche des mentalités des XIIIe-XIVe s. bretons et dont la préparation a fourni, par ailleurs, à l'auteur l'occasion de plusieurs beaux articles dans les revues spécialisées.
Comme le remarque l'auteur en introduction, depuis quelques années, « certains universitaires » contribuent « avec talent, à cette renaissance contemporaine des Vies des hommes (des femmes aussi) illustres ». Cette réhabilitation de la biographie (qui doit beaucoup aux attentes du public et aux intérêts éditoriaux) contribue à donner - pour le meilleur ou pour le pire - un goût de chair humaine à l'histoire. L'auteur expose ici, en préalable, les embûches à éviter. Au XIIIe siècle, précisément, la notion d'individu « émerge à peine dans la conscience occidentale ». Aussi les clichés hagiographiques sont-ils le lot obligé des lettrés comme des illettrés : on ignore donc pratiquement tout de la personnalité d'Yves Hélori ! Qui plus est, le Procès de Canonisation (dont les Monuments originaux... publiés par A. de La Borderie en 1887 viennent d'être traduits par J.-P. Le Guillou, Saint Yves. - Ceux qui l'ont connu témoignent, ceux qu'il a guéris racontent, Tréguier, 1989) n'a pas pour but, une génération après son décès, de nous faire connaître saint Yves. Les témoins comme les commissaires apostoliques ne s'intéressent qu'à ses miracles et à ses vertus.
Dans une communication intitulée «Voies d'approche d'un texte hagiographique : le procès de canonisation d'Yves Hélori (1330)», publiée dans Kreiz-1 ; Journées d'Etudes sur la Bretagne et les Pays celtiques (C.R.B.C. - U.B.O., 1992), J.-C. Cassard a explicité les objectifs qu'il s'est assigné en optant pour cette approche « micro-historique ». Ceux-ci sont,
semble-t-il, pleinement atteints. Il s'agissait d'abord pour lui de reconstituer une sorte de notice biographique, la plus « objective » possible, de son héros. Notons entre autres, à l'encontre de la date de naissance tardive retenue par A. de La Borderie (1253), les arguments de poids apportés ici en faveur de la chronologie haute proposée naguère par L. Duval-Arnoul (1247-48) ou par J. Le Mappian (1250) qui rend davantage compte de la formation intellectuelle et spirituelle du futur saint. Ensuite, l'auteur a tenté une approche du « vécu intime » de celui-ci, dans la perspective d'une histoire des « mentalités ». Les rapports d'Yves Hélori avec le milieu nobiliaire dont il est issu (et avec lequel la « rupture » n'a jamais été « consommée ») sont notamment analysés avec beaucoup d'acribie. Enfin, une étude statistique des dépositions (qui donne lieu à une précieuse annexe : La fréquence relative des faits allégués par les témoins de la vie - p. 143-145) permet d'évoquer la mise en forme dans les témoignages d'une sorte d'icône désincarnée qui traduit la « prégnance d'antiques schémas hagiographiques ». Ne perdons pas de vue que saint Yves lui-même était imbu des Vies de saints (il aurait rédigé des Flores Sanctorum) et qu'il a pu - consciemment ou non - aspirer à se conformer à ces modèles. Dans cette optique, l'article d'A. Y. Bourges, « Le souvenir de saint Yves dans le Trégor finistérien » (B.S.A.F., 1993 - t. CXXII) et les enquêtes (J.-C.
P. Combot, D. Giraudon, Sur les pas de saint Yves en Trégor, Skol Vreizh, 1994) apportent des éclaircissements complémentaires.
Dans ses intéressantes considérations méthodologiques, l'auteur reconnaît s'être efforcé de faire abstraction de son « anticléricalisme primaire ». On ne peut que souscrire à cette volonté délibérée d' « approche en sympathie avec son sujet ». On peut aussi penser que l'anticléricalisme a du bon... même s'il est dommage qu'il entraîne un lapsus qui fait (p. 103) Jésus multiplier les pains aux Noces de Cana (voir Jn, 2, 1-12)!
Il convient pourtant de se garder d'un cléricalisme que l'on serait tenté, cum grano salis, de taxer de secondaire. Sans doute, à notre époque, les psychanalystes et autres psychothérapeutes - toutes chapelles confondues - sont-ils en passe de relayer le discours clérical. Faut-il pour autant se fier « aux lois de la psychologie » (p. 53) et se référer aux « psychanalystes » (p. 60) en évoquant l'hypothèse du « matriarcat psychologique des Bretons » (p. 54) ? Certes, Azou, la mère d'Yves Hélori a eu en songe la révélation que son fils était un futur saint. Est-on en droit d'en déduire que cela aurait surdéterminé le comportement de cet « enfant sage » ? Comme le rappelle pertinemment l'auteur, il s'agit là d'un topos de la littérature hagiographique universelle, bien attesté dans les Vies de saints bretons. N'est-il pas risqué, alors que la mobilité sociale n'existait pratiquement pas et que les familles étaient dans l'attente de tels « présages dans la petite enfance » (cf. J. Noret, Analecia Bollandiana, 1984, p. 354), d'oblitérer un fait de culture révolu par des hypothèses anachroniques ?
Yves Hélori garde sa part de mystère. Il faut savoir gré à J.-C. Cassard d'avoir mis avec finesse en évidence la manière dont on «fabriquait» un saint au XIVe siècle. A ce titre, la figure de saint Yves est exemplaire : du prêtre de paroisse atypique au patron des hommes de loi !


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