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SAINTE GENEVIÈVE DE PARIS. La vie, le culte, l'art

SAINTE GENEVIÈVE DE PARIS. La vie, le culte, l\'art

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Date d'ajout : mardi 21 mars 2017

par Michel de B�UARD

REVUE : L'HISTOIRE, 57, juin 1983

Protectrice de Paris, sainte Geneviève semble monter la garde au sommet du haut et svelte pylône qui porte sa statue, œuvre de Landowski, à la tête du pont de la Tournelle. Au cours des siècles, on l'a invoquée, on a porté en procession ses reliques lorsque la ville était menacée par une invasion ennemie. En 886, la châsse contenant ses restes fut apportée dans l'île de la Cité assiégée depuis des mois par les Vikings. Au début de septembre 1914, l'armée allemande menaçant Paris, un triduum fut célébré en l'église Saint-Étienne-du-Mont où se perpétue son culte. Les Parisiens y participèrent en foule et beaucoup d'entre eux attribuèrent à la sainte tutélaire le mérite de que l'on a nommé « le miracle de la Marne » ...
Selon une tradition qui prit très tôt naissance, Geneviève aurait, par le prestigieux et miraculeux rayonnement de sa sainteté, arrêté aux portes de Paris l'invasion des Huns, commandés par Attila. Certaines villes de l'Occident chrétien furent, vers le même temps, effectivement protégées par l'intervention de leur évêque agissant comme défenseur de la cité. Paris fut-il, en 451, réellement menacé par Attila et ses hommes ? On peut en douter car les Huns, venant de Mayence et de Metz et se dirigeant vers Orléans, étaient passés non loin de Troyes. Paris ne se trouvait donc pas sur leur route. Il reste que les Parisiens eurent très peur. Beaucoup d'entre eux, saisis de panique, songeaient à se réfugier dans une autre ville.
Or au milieu du Ve siècle, les évêques de Paris sont d'assez ternes personnages et, contre toute attente, c'est une femme d'une trentaine d'années à peine, Geneviève, qui assume la tâche de restaurer la confiance de ses concitoyens et d'enrayer leur débandade. L'île de la Cité, ceinte d'un rempart, pouvait compter alors de deux mille à trois mille habitants, mais une population cinq à dix fois plus nombreuse vivait dans les faubourgs sur l'une et l'autre rives de la Seine, où elle n'était protégée par aucun dispositif fortifié.
Fille de Severus et Gerontia
Pour reconstituer la vie et l'action de sainte Geneviève, voilées au cours des siècles par trop de contaminations légendaires, on doit partir de la biographie, Vita sanctae Genovefae, composée par un clerc demeuré anonyme, qui appartenait certainement à l'église de Paris. Il précise qu'il a écrit dix-huit ans après la mort de son héroïne. Les arguments que l'on a pu avancer à l'encontre de cette affirmation n'ont guère de poids et l'on peut retenir que cette Vita est contemporaine du personnage qui en fait l'objet. C'est une œuvre hagiographique, certes, où l'auteur fait une large place aux miracles obtenus par l'intercession de la sainte. Mais l'historien, quel que soit son jugement sur la crédibilité de ceux-ci, doit prendre en considération la valeur historique du contexte dans lequel ils sont racontés. Cette Vie vient de faire l'objet d'une remarquable étude, accessible à un large public et signée de deux érudits hautement compétents 1.
Geneviève est née vers l'an 420 dans le voisinage de Paris (peut-être à Nanterre) ou en Brie. Son père s'appelait Severus et sa mère Gerontia : deux noms qui appartiennent à l'anthroponymie gallo-romaine. Geneviève, au contraire, est un nom germanique. Nous avons là un bon exemple de l'influence culturelle exercée alors par les Barbares sur le milieu autochtone, dit gallo-romain. Cette contagion de certaines mœurs et coutumes étrangères n'était pas sans inquiéter les empereurs romains. Des édits impériaux de la fin du IVe et du début du Ve siècle les proscrivent, notamment en ce qui concerne les modes vestimentaires et la parure. Cet amalgame culturel concernant l'onomastique, le vêtement, les rites funéraires, donne aujourd'hui du fil à retordre aux archéologues, et principalement à ceux qui fouillent des nécropoles, tandis que sévit encore trop souvent chez les historiens la confusion entre ethnie et culture.
Dans l'amalgame gallo-romain, la composante romaine avait faibli dès le Ille siècle et l'on avait vu reprendre force la composante pré-romaine que, par facilité, l'on dit gauloise. Au IVe et au V· siècle, des éléments germaniques avaient pris le relais. Il y avait, en de nombreux points stratégiques de la Gaule du Nord, des garnisons de mercenaires barbares au service de l'Empire romain. Même à l'époque où la capitale du royaume des Francs était encore à Tournai, la culture franque avait lentement imprégné les régions situées entre la Somme et la Loire.
La famille de Geneviève appartenait à l'aristocratie des propriétaires fonciers. Ses domaines se trouvaient à l'est de Paris, dans la région de Meaux, mais elle avait aussi une résidence aux environs immédiats de Paris. Peut-être les grands-parents de Geneviève l'avaient-ils, comme beaucoup de leurs semblables, quittée pendant un assez long temps au IVe siècle, puis y étaient revenus après la grande invasion de 406.
C'est en 429 que la Vita situe le premier fait marquant de la vie de Geneviève. L'évêque d'Auxerre, Germain, et celui de Troyes, Loup, se rendant en Grande-Bretagne, firent halte à Nanterre. Il y avait là un port sur la Seine et une route qui, de Paris, conduisait à Rouen par Mantes. Dans la foule venue pour saluer les deux évêques et recevoir leur bénédiction, se trouvaient Severus, Gerontia et leur fille Geneviève, âgée de huit à dix ans. Germain d'Auxerre remarqua l'enfant, la bénit et Geneviève fit alors le vœu de se consacrer à Dieu. Une quinzaine d'années plus tard, Germain, passant à nouveau par Nanterre, souhaita revoir Geneviève et apprit d'elle que la promesse faite en 429 avait été tenue. A cette date, Severus et Gerontia étaient morts, et leur fille avait pris en charge la gestion des domaines de la famille, en même temps que, reçue dans le collège des Vierges, elle était déjà vénérée par le peuple pour sa piété.
A cela, rien d'étonnant. Même des évêques réputés pour la sainteté de leur vie contrôlaient personnellement la mise en valeur de leurs terres, tels saint Hilaire d'Arles ou, un peu plus tard, Aetherius de Lisieux. La postérité n'admit pas, semblet-il, qu'un saint personnage ait pu mener ainsi de front la vie religieuse et la gestion des biens temporels. Alors, on fit de Geneviève une humble bergère. Peut-être, à partir de la seconde moitié du xye siècle, l'image d'une autre héroïne, Jeanne de Domrémy - « qui filait en gardant ses moutons» -, déteignit-elle sur celle de la riche héritière de Severus et de Gerontia.
Le fait est que Geneviève put, grâce à sa fortune, aider la population parisienne frappée par la disette. La mise en valeur des régions avoisinantes, largement couvertes de forêts, n'avait sans doute pas sensiblement progressé depuis les pre-
miers temps de l'occupatiQon romaine. Le système de la villa, grande exploitation agricole, n'était guère favorable aux entreprises de défrichement. En tout cas, la production vivrière des environs de Paris n'avait certainement pas progressé dans la mesure où la population s'était accrue. Le rang social et la richesse de Geneviève peuvent expliquer pour une part l'ascendant qu'elle prit très tôt sur ses concitoyens.
En effet, à la différence de la plupart des grands propriétaires fonciers de son temps, elle ne chercha pas à accroître l'étendue de ses terres ni à spéculer à l'aide des ressources monétaires qu'elle en tirait. Ainsi s'évanouirent peu à peu les réticences, voire l'opposition qu'elle avait au début, connues de la part de certains Parisiens. On l'avait même dénoncée comme fausse prophétesse. La clairvoyance et la fermeté dont elle fit preuve en 451, à l'occasion du raid des Huns, contribuèrent, bien entendu, à dissiper cette hostilité.
Geneviève vécut jusqu'à un âge très avancé. On ne connaît pas l'année exacte de sa mort, qui survint vers l'an 500. La Vita rapporte qu'elle « s'en alla vers le Seigneur après avoir vécu plus de dix fois huit ans, et entra dans la paix le 3 janvier ». Elle fut ensevelie, selon le témoignage de Grégoire de Tours (vers 575), dans la basilique dédiée aux saints Apôtres que Clovis faisait alors construire sur la rive gauche de la Seine, au sommet de la hauteur qui s'appelle aujourd'hui Montagne Sainte-Geneviève. Le sarcophage de pierre où fut déposé son corps est conservé dans l'église Saint-Étienne-du-Mont.
Pendant la Révolution française, ses ossements, qui avaient subi bien des vicissitudes, furent détruits par le feu. Ils reposaient alors dans l'imposante église que Louis XV avait fait construire par Soufflot, sous le vocable de la sainte, et qui est devenue le Panthéon. Les fresques qui décorent cette ancienne basilique évoquent, comme on sait, les principaux épisodes de la vie de Geneviève, tels que la tradition les représentait au siècle dernier. L'une d'elles, œuvre de Puvis de Chavannes, exprime bien l'essentiel de cette tradition : «Sainte Geneviève veillant sur Paris endormi. »


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