Editions BEAUCHESNE

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01- L'EGLISE ET L'ETAT, COURS DE SORBONNE INEDIT (1850-1851)

01- L\'EGLISE ET L\'ETAT, COURS DE SORBONNE INEDIT (1850-1851)

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Date d'ajout : mardi 02 mai 2017

par Guy-Thomas B�DOUELLE

REVUE THOMISTE 1980, 4

Rien n'est plus instructif que l'histoire, à condition de ne pas vouloir en tirer trop tôt les leçons. Elle demande une très longue patience, d'abord parce que la vérification doit y être minutieuse et sans cesse reprise, mais plus encore peut-être parce qu'elle n'est vraiment saisie que si on a pris le temps de se « naturaliser » autant qu'on le peut dans un certain milieu, à une certaine époque. Cela demande qu'on n'y transporte pas telles quelles les passions qui nous agitent, qu'on s'efforce de tout comprendre, c'est-à-dire forcément de sympathiser avec des personnages fort éloignés de nous et souvent opposés entre eux. Avoir compris que la pure objectivité n'est pas possible, ne dispense pas d'un constant effort pour se dégager de ce qui lui fait obstacle. On conviendra que c'est d'autant plus difficile qu'il s'agit de périodes plus proches de la nôtre, sur lesquelles nous pensons avoir déjà des lumières, ce qui implique un bon nombre de partis pris, et pour lesquelles la documentation ne cesse de s'accroître, à un rythme un peu écrasant. On n'en sera pas moins très reconnaissant à tous ceux, chercheurs et éditeurs, qui permettent d'avoir sous la main des textes sûrs, surtout si l'annotation rassemble le maximum de renseignements qui peuvent les éclairer. On aura peut-être à modifier ou au moins nuancer des appréciations que l'on croyait fondées, mais c'est tant mieux !
Il ne serait pas nécessaire d'en dire plus pour saluer avec gratitude la nouvelle collection « Textes, Dossiers, Documents » inaugurée aux éditions Beauchesne par une publication de grand intérêt : le cours encore inédit professé en Sorbonne en 1850-1851 par l'abbé Maret sur un sujet qui garde toute son actualité, l'Église et l'État. Il est présenté par un bon connaisseur du personnage, M. Claude Bressolette, qui a déjà écrit sur ce théologien français une très éclairante étude, centrée précisément sur ce genre de débats. Adepte de l'Avenir en sa jeunesse cléricale, co-fondateur de l'Ère Nouvelle avec Lacordaire et Ozanam après février 1848, H. Maret dirige ce journal jusqu'à sa disparition en avril 1849. Il s'est toujours déclaré partisan de la démocratie, - « démocratie chrétienne », bien entendu, au sens que cette expression pouvait avoir quand trop d'expériences diverses et d'utilisations plus ou moins étendues ne l'avaient encore compromise ni avec certains noms, ni avec des partis politiques déterminés. Il n'en est que plus intéressant de l'entendre s'expliquer en théologien, plus précisément même, car le propos est explicitement didactique, en professeur de théologie sur les immenses problèmes que ces idées, assez nouvelles chez les catholiques, posaient, en face de tant de blocages, apparemment « traditionnels ». Esprit vigoureux et clair, H. Maret n'a cependant pas écrit un cours techniquement élaboré pour des étudiants spécialisés. On ne lui confiait pas de séminaristes ! C'est dans le cadre de la Faculté des lettres, pour un public en son ensemble non clérical, qu'il va donner ce cours bien charpenté, mais qui doit plaire et fera donc appel aux procédés de l'éloquence. Celle-ci, cela va sans dire, est de son temps, et il nous arrive de sourire. Ce n'est pourtant pas un obstacle véritable, parce que la langue reste ferme et la pensée précise. Quiconque a suivi les débats du Ile concile du Vatican sur le problème de la liberté religieuse, reconnaîtra bien des arguments incessamment répétés de part et d'autres, par exemple celui des « droits de la vérité » (comme s'il y avait d'autres sujets de droits que des personnes) et celui des droits de la conscience, même erronée. Ainsi s'aperçoit-on que presque tout avait été dit, et fort bien dit, plus d'un siècle avant les récents affrontements. On pourrait en tirer la conclusion assez décourageante qu'en général, les interlocuteurs ne s'écoutent pas vraiment; ce n'est que trop certain; plus profondément cependant on se rend compte qu'il faut aux idées justes non seulement une exacte formulation, mais la préparation d'une maturation qui ne peut être que lente.
Après avoir décrit les divers systèmes de rapports entre l'Église et l'État, soumission de l'État à l'Église ou de l'Église à l'État, l'abbé Maret propose celui de leur libre alliance, légale et politique. L'indépendance réciproque des deux institutions implique bien une séparation ; la séparation, l'Avenir l'avait réclamée et cette prétention avait été durement condamnée. H. Maret, sincèrement soumis, ne la reprendra jamais telle quelle, isolément, c'est-à-dire sans insister non moins fortement sur la nécessité d'une union morale entre l'Église et l'État. Il est en effet convaincu de la nécessité de l'unité des esprits pour la consistance d'une société, quelle qu'elle soit, et il pense que seul le catholicisme peut rendre à l'État ce service ; mais ce ne peut être que dans l'entière liberté. Celle-ci ne lui paraît aucunement entraîner - c'est sans doute aussi la marque de son temps ce que nous appelons aujourd'hui le « pluralisme ». La distance la plus marquée entre ce qu'on peut nommer son libéralisme et l'atmosphère qui est aujourd'hui la nôtre, après plus d'un siècle, provient sans doute de cette constatation que, pour un regard qui ne se limite plus à tel ou tel pays, mais embrasse habituellement la planète, l'Église catholique apparaît désormais minoritaire. Même si la division des chrétiens était surmontée, le christianisme ne peut plus être considéré, du point de vue du pouvoir politique, que comme une religion parmi d'autres, dont les adeptes aussi sont citoyens à part entière, sans compter la masse de ceux qui ne professent pas de religion. Cette prise de conscience était alors loin d'être faite ; elle ne l'est sans doute pas encore chez plusieurs, mais elle progresse inexorablement, donnant de plus en plus évidemment raison à ceux qui pensent que la foi chrétienne, comme d'ailleurs n'importe quelle profession religieuse, n'a pas de meilleur allié que la liberté, reconnue comme un droit inaliénable de la personne humaine vis-à-vis de n'importe quelle autorité politique. Mais, à l'époque, le christianisme restait massivement présent à l'Europe et l'Europe était dirigeante. Inutile de souligner que les données sont profondément bouleversées, tant pour l'État que pour l'Église.
Quant à l'évolution personnelle d'Henry Maret, elle est assez intéressante pour que nous souhaitions une fois de plus que M. Cl. Bressolette continue ses investigations et ses publications. Le théologien de la Sorbonne s'est aussi trouvé mêlé à la préparation d'un concile œcuménique et il en a connu les retombées : le premier concile du Vatican. Ses prises de positions, même contredites ensuite par l'enseignement conciliaire, ne laissent pas d'être révélatrices du mouvement des idées et d'éclairer ce que fut le débat sur la primauté et l'infaillibilité du pontife romain. Quand Maret mourra, en 1884, presque tous les protagonistes d'une très grave crise de la pensée chrétienne étaient nés. Presque tous les éléments de ce qu'on allait appeler le modernisme se mettaient en place.


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