ACTUALITÉ DES PÈRES DE L'ÉGLISE, 57

Les transformations qui ont affecté l'Occident au XIe siècle n'ont pas seulement concerné la vie économique et sociale, mais elles ont également leur écho dans le domaine de la théologie et de la spiritualité. M. Grandjean mène une enquête très sérieuse sur l'attitude de quelques théologiens vis-à-vis des laïcs. Il prend trois noms qui comptent parmi les plus grands théologiens de l'époque : Pierre Damien (1007-1072), Anselme de Cantorbery (1033-1109) et Yves de Chartres (1049-1109). Pierre Damien parle des laïcs à partir d'une mentalité d'ermite : il déprécie le monde, le travail et la procréation ; il exalte la « vie angélique » menée dans le cadre des monastères ; il ne s'occupe guère des simples laïcs, et pourtant il parle du sacerdoce universel des fidèles. Anselme de Cantorbery parle des laïcs à partir de la spiritualité monastique ; il est très sensible à la fonction sociale des moines : ils occupent une place médiane entre les anges du ciel et les laïcs, ils doivent donc être ouverts à leurs besoins spirituels, ils sont des intercesseurs privilégiés entre Dieu et les laïcs. Yves de Chartres est un chanoine séculier qui prend vraiment au sérieux les réalités politiques et les réalités familiales ; pour lui les laïcs doivent avoir eux aussi une place digne dans l'Église. L'enquête de M. Grandjean montre le processus d'intériorisation de la notion de « laïc » dans la spiritualité chrétienne, processus qui poursuivra son développement au cours des XIIIe et XIVe siècles. Ce livre n'est pas une histoire des laïcs au XIe siècle et non plus une théologie du laïcat, mais une contribution à l'histoire de la théologie médiévale.