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TH n°101 DE JÉRUSALEM À ROME. PIERRE ET L’UNITÉ DE l’ÉGLISE APOSTOLIQUE

TH n°101 DE JÉRUSALEM À ROME. PIERRE ET L’UNITÉ DE l’ÉGLISE APOSTOLIQUE

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Date d'ajout : lundi 25 janvier 2016

par Michel MESLIN

REVUE : REVUE DES SCIENCES RELIGIEUSES, 4, octobre 1997

Les quarante années qui vont de la mort de Jésus à la chute de Jérusalem ont été déterminantes pour l'affirmation et l'expansion du christianisme, émergeant au sein d'un judaïsme que l'État romain reconnaît comme religio licita. L'œuvre de la génération apostolique sera non seulement d'annoncer le kérygme dans les divers milieux juifs et païens, de fixer par écrit, à partir de multiples traditions orales, le message du fondateur mais aussi de mettre en place les premières structures d'une nouvelle religion. C'est à une relecture de tous ces événements que s'attache le livre du Professeur R. Minnerath, dont le souci est de retrouver, à travers les péripéties qui ont marqué les premiers développements de l'Église, les luttes d'influence et la variété des milieux culturels et des sensibilités religieuses, le problème de l'unité qui, pour lui, réside essentiellement dans le ministère spécifique confié par Jésus à Pierre.
L'auteur a beaucoup lu ; il est bien au courant des plus récentes recherches exégétiques, surtout allemandes mais aussi anglo-saxonnes. Il expose avec clarté les théories et hypothèses relatives à la rédaction des synoptiques et des autres écrits néo-testamentaires. Il prend position sur les problèmes d'attribution et de datation. Ses jugements sur les auteurs de ces écrits sont, la plupart du temps, nettement affirmés. Il n'hésite pas à recourir aussi à la tradition patristique. Avant tout soucieux de faire une analyse qui soit le plus possible fidèle à la chronologie il distingue trois phases principales : « l'Église mère », de 30 à 42 ; la « grande percée missionnaire », de 50 à 62 ; « la recherche de l'unité », de 62 à 70. Dans chacune de ces parties il juxtapose un récit « historique » plus narratif, bien que critique, des événements fondateurs, à des exposés plus exégétiques sur la rédaction et la datation des évangiles et des épîtres en les resituant dans leur contexte particulier. Il s'attache ainsi à décrire les divers milieux touchés par la mission chrétienne : celui des Hellénistes, le courant johannique, la communauté matthéenne,…; à plusieurs reprises, il esquisse des parallèles avec des textes de Qurnrân.
Ce faisant, R.M. s'est livré à un exercice de synthèse qui est en soi délicat et difficile, dans la mesure où l'analyse de ces textes néo-testamentaires doit tenir compte de la foi qui les anime. Les événements qu'ils relatent sont déjà une interprétation, informée par la foi dans le Christ ressuscité, de réalités que l'historien ne peut plus saisir telles quelles. Car les relectures successives par la génération apostolique des événements et des paroles fondatrices que révèle l'étude de la rédaction de ces textes en ont parfois modifié le sens originel. L'approche de cette période ne peut donc pas s'inscrire dans une simple description événementielle du développement diachronique d'une nouvelle religion. L'auteur le sait fort bien, qui donne de ce maquis de théories, d'hypothèses et d'interprétations un exposé clair, sous-tendu par une visée théologique. À vrai dire la raison d'être et le but de ce gros ouvrage est moins un nouvel exposé des recherches néo-testamentaires que la mise en valeur, à travers elles, de la figure de Pierre. C'est là le fil conducteur de toute l'analyse de R.M.
Celui-ci est résolument « pétrinien », dans la ligne d'une tradition ancienne que l'Occident chrétien a amplement développée. L'auteur est donc amené à proposer une lecture de certains passages du Nouveau Testament, rediscutant telle ou telle opinion tenue jusqu'alors pour admise. On le voit, l'enjeu est d'importance, même si, parfois, malgré une érudition indiscutable, l'auteur donne l'impression de solliciter un peu certains textes ou d'en passer d'autres sous silence. On eût aimé, sur certains points, une discussion plus approfondie et un jugement plus nuancé.
L'auteur commence son étude par l'apparition du Christ ressuscité à Pierre, la protophanie. Il pense qu'à l'origine l'apparition à Marie de Magdala et aux autres femmes pourrait avoir été à l'origine une simple angélophanie que Matthieu et Jean auraient transformé « en christophanie par un processus compréhensible d'amplification du phénomène » (p. 15). Les affirmations explicites d'une protophanie à Pierre en Marc, Luc, et 1 Co. 15, 3-5 sont mises en relation avec son ministère spécifique.
Les prérogatives de Pierre, en Mt. 16-17, sur lesquelles RM. insiste, précèdent immédiatement les reproches exorcistiques que Jésus lui adresse en 16, 23 : « arrière de moi, Satan » ! Ne doit-on pas se demander pourquoi la communauté primitive a maintenu ce texte dont RM. se contente de dire « qu'il parle en faveur de l'historicité de la scène » (p. 29). Certains rétorqueront que nous sommes peut-être en présence d'une interprétation opposant un Pierre, humain, trop humain à une conception théologique postérieure ? L'auteur pense que le début du livre des Actes montre Pierre comme « chef incontesté… à qui revient toute initiative sur la mission et l'organisation… » de l'Église primitive (p. 58), malgré les restrictions que l'on a quelquefois tirées de Ac 8, 14 où les apôtres restés à Jérusalem envoient Pierre et Jean en Samarie.
Après trois chapitres consacrés à Pierre et à la proclamation du kérygme, l'auteur déclare (p. 111) que « le rôle de Pierre dans la formation des évangiles synoptiques est central », sans s'expliquer plus clairement sur cette affirmation que la solide étude qu'il fait ensuite des traditions synoptiques ne vient pas nettement corroborer. Il écrit (p. 128) que « Pierre est le garant de l'évangile araméen de Matthieu », en invoquant comme argument le milieu judéo-chrétien mais ouvert à l'évangélisation des païens où cet écrit aurait été composé.
Il est indéniable, pour RM., que c'est Pierre, « en qui se concentrait la continuité de l'Église apostolique dont il s'apprête à transférer le centre à Rome », qui va justifier Paul en manifestant toute sa compréhension, néanmoins un peu tardive, de son œuvre (2 P. 3, 15-16) (p. 247). De même que l'œuvre de Paul lui apparaît ainsi justifiée par l'approbation de Pierre qu'il tient pour garant de la tradition authentique, R.M. souligne que dans les Actes « l'archétype de l'apôtre est Pierre ; l'Église primitive centrée sur Pierre doit constituer la norme de toute l'Église future » (p. 351). Peu à peu l'auteur dessine ainsi une image de Pierre dont, un peu curieusement pour la thèse qu'il défend mais sans doute par scrupule historique, il déclare qu'il est réservé sur sa personne, efficace et humble, il ne tient pas à parler lui-même de la mission unique que le Seigneur lui a confiée » (p. 482). N'est-ce pas là l'indice d'une certaine distance entre la conscience que les premiers chrétiens, et Pierre lui-même, ont eu de son rôle, et l'affirmation postérieure de ce ministère particulier ?
Il faut relever enfin qu'à propos de la réinterprétation que le dernier chapitre de Jean donne de l'investiture de Pierre, il ne paraît pas aussi évident que la scène entre Jésus, Pierre et le disciple bien-aimé (Jn. 21, 20-23) n'ait d'autre raison que « la survie du mouvement johannique » décidé de rentrer dans le giron de l'Église apostolique dont l'unité est signifiée par Pierre (p. 518-19). Le récit de la pêche miraculeuse au cours de laquelle le filet ne se rompt point est suggéré par l'auteur comme répondant au danger de schisme dans les communautés chrétiennes.
La conclusion de l'ouvrage reprend les grandes étapes d'un développement qui part de Jérusalem et aboutit à Rome selon les différentes étapes du ministère de Pierre. L'auteur affirme que ce développement de l'Église apostolique témoigne « de la fécondité historique de la Parole à Pierre » (p. 580) et de son investiture comme garant de l'unité. On remarquera l'affirmation que « la mission disperse parce qu'inévitablement elle est tentée de se renfermer sur des particularismes » (p. 581). L'intention finale est clairement explicitée « en son origine le ministère apostolique est tout entier concentré dans Pierre pour qu'en ses déploiements futurs il puisse retrouver en ce dernier le signe de la pierre angulaire qu'est le Christ » (p. 583).
Nous sommes donc en présence d'un livre important, qui fait réfléchir.
L'auteur a voulu replacer dans un certain ordre « les pierres d'une mosaïque » dont, en bon historien, il sait bien au fond que les contours nous resteront toujours flous. Mais le dessin général est clair : une nouvelle religion est née, qui se répand très vite dans toutes les grandes villes du bassin méditerranéen. Le rôle des hommes y fut déterminant : celui de Pierre certes, mais aussi de Paul, de Jacques, de Jean et d'autres moins bien ou peu connus. Bien qu'il se garde explicitement de toute réflexion ecclésiologique, on sent bien que pour R.M. les racines de la primauté romaine sont déjà en place, même si l'histoire, qui témoigne de la marche tâtonnante de l'Église dans son pèlerinage terrestre, allait très vite révéler des divergences d'interprétation sur ces temps fondateurs.


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