La biographie de l'apôtre Pierre que Roland Minnerath met aujourd'hui entre nos mains est remarquable à tous points de vue. Elle rend un bel hommage à celui que Jésus a aimé appeler Céphas, « Roc » sur lequel il a voulu fonder, construire et unifier son Église. Il nous plaît de la faire connaître aux lecteurs à l'occasion de l'une des trois fêtes de l'apôtre dans le calendrier liturgique, fixée au 22 février.
« De Jérusalem à Rome », il n'est pas de plus juste titre pour qualifier la trajectoire prophétique, symbolique et historique du ministère apostolique de Pierre. Dans l'intention de Roland Minnerath, il s'agit bien de décrire de manière aussi précise que possible les différentes phases du ministère pastoral que Jésus lui a confié depuis sa première manifestation de Ressuscité.
C'est à Jérusalem que tout commence, car c'est là que, comme Jésus le lui avait ordonné la veille de sa mort, Pierre « confirme ses frères » (Luc 22: 31), après les avoir ramenés de Galilée à la Cité sainte pour la fête de la Pentecôte. Les cinq premiers chapitres des Actes déploient alors l'intense activité apostolique qui est la sienne au moment où l'Eglise naît de l'Esprit. Si les onze autres apôtres sont avec lui, c'est tout de même déjà Pierre qui sanctionne de son autorité toutes les décisions de la première communauté.
Une phase nouvelle et décisive commence pour l'église, comme pour le Collège apostolique, lorsque les Douze partent en mission chacun de leur côté.
Grâce à leur Parole et à la démonstration de leur puissance dans le Saint-Esprit, l'Église prend un essor extraordinaire et rapide. Elle s'ouvre aux païens par l'intermédiaire de Corneille et de sa famille que Pierre baptise. Bref, un vrai feu consume les âmes.
Mais, nous le savons aussi, ce même feu dévore à ses heures les jeunes communautés locales. Des tensions apparaissent, des dissensions semblent inévitables, des discussions sont nécessaires pour retrouver et recevoir d'En-Haut un point de vue commun, seul capable de « ré-unir » les particularismes exacerbés.
C'est avec beaucoup de finesse et de sagesse que l'auteur nous introduit dans cet imbroglio et, surtout, nous convainc que « les écrits apostoliques montrent que la dispersion missionnaire appelle toujours un ancrage dans la construction ecclésiale. Évangéliser, c'est édifier le Corps du Christ. Il n'y a donc pas antinomie entre une construction qui serait unifiante, mais statique, et l'élan missionnaire qui mènerait fatalement à la dispersion et à la désunion. Car l'Église se construit dans la mesure où elle grandit. Et la convergence de ces deux dimensions est assurée dans le ministère confié à Pierre. »
Le martyre de Pierre, à Rome, en 64, avec une foule de frères, au début de la persécution de Néron, ne met nullement fin à sa fonction de signe de l'unité. Les communautés issues de la prédication de Jean et des autres apôtres, comme celles qui sont issues de la prédication paulinienne, s'unissent à l'Église-tête qui n'est plus Jérusalem, ni même Éphèse, mais Rome, où Paul a aussi versé son sang.
C'est ainsi que l'on peut dire que, dans son commencement, le ministère apostolique de Pierre trouve aussi sa fin, qui est une vocation et un pouvoir spirituel d'unité et d'unification. Pierre est le pasteur de toutes les brebis du Christ, et c'est avec une détermination et une assurance tranquille absolue et exemplaire qu'il s'est acquitté de cette tâche unique.
Désormais, l'Église une et le service de Pierre sont intimement liés. « Comme Parole adressée aux enfants de Dieu dispersés, dit Roland Minnarath en conclusion, Pierre, disciple indéfectible du Seigneur, est le signe qui veut démentir la fatalité de leurs divisions. »