Editions BEAUCHESNE

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PLOTIN ET JEAN DE LA CROIX

PLOTIN ET JEAN DE LA CROIX

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Date d'ajout : mercredi 11 novembre 2015

par Michel ADAM

REVUE : REVUE PHILOSOPHIQUE, 1, 1998

Après plusieurs ouvrages de qualité consacrés à Jean de La Croix, André Bord nous apporte ici une confrontation assez inattendue entre Plotin et le grand mystique espagnol. On sait déjà comment saint Augustin avait opposé la mystique naturelle de Plotin et la mystique surnaturelle du christianisme. Pour rendre cette confrontation légitime, il faut éviter toute contamination de perspective et aborder chaque auteur dans sa spécificité intellectuelle et spirituelle, en partant strictement des écrits. Tous deux se veulent des maîtres de vie intérieure, s'adressant non pas à des débutants, mais aux personnes intellectuellement et spirituellement avancées. Leur référent divin n'est absolument pas le même, puisque Plotin a rejeté sans grande nuance le christianisme. A l'inverse, les chrétiens ont lu parfois d'une façon bienveillante (par ex. saint Ambroise) l'œuvre de Plotin, ce qui légitime une confrontation. Elle permettra de constater des pensées communes, par-delà les sources communes. À Salamanque, Jean de la Croix disposait des œuvres de Plotin et la Renaissance en faisait régulièrement la lecture. On rencontrera vite des similitudes d'expression, qui sont tellement fréquentes qu'elles ne peuvent être simplement fortuites.
André Bord propose d'examiner les deux auteurs en fonction de perspectives comme le divin, la maladie de l'âme, la guérison, l'union à Dieu. S'il y a opposition manifeste entre l'Un et la Trinité, il y a cependant un monothéisme chez les deux auteurs. Derrière l'incompréhensibilité de Dieu, il y a chez l'un un principe d'intelligibilité, tandis que chez l'autre Dieu est providence. Ainsi chez l'un on affirme la procession nécessaire, alors que l'autre centre tout sur l'acte créateur, avec une continuité opposée à une discontinuité, un temps clos différencié d'un rapport temporel à l'éternité. Pour les deux auteurs, l'âme est enténébrée, affaiblie, souillée, divisée. L'éloignement de l'Intelligible en est la cause, explique le premier; c'est le péché, dit le second. Chez les deux auteurs, tout relève du rapport de l'âme et du corps ; mais on voit tout de suite les différences entre les conceptions de l'âme. Si la matière, selon Plotin, est principe de souillure, le sensible, créé, ne peut pas, de ce fait, être mauvais ; c'est donc la mauvaise volonté et la révolte des sens contre l'esprit qui engendrent le mal. La pensée de la liberté renvoie chez l'un à un ordre universel, ce qui lui montre sa finalité, tandis que chez l'autre la liberté est l'instrument du salut, la manière de participer à l'œuvre divine.
Chez les deux auteurs, l'âme est image de Dieu, ce qui lui donne une capacité infinie pour réaliser un retour vers l'état primitif ; on ira des sens à l'esprit, puis au-delà. S'il faut se dégager du sensible, c'est chez le premier pour trouver la voie de l'intelligible. Le second conduira vers une nuit active, puis une nuit passive où c'est Dieu qui agira. Faut-il rappeler alors le mystère chrétien de l'Incarnation et la sollicitude du Dieu d'amour pour l'homme, à travers le sacrifice christique ? S'il faut aller au-delà de la raison, c'est qu'il y a, pour Plotin, un bien au-delà d'elle, tandis que Jean de La Croix fera intervenir la Révélation. Pour l'un, l'intelligence n'aura pas besoin de mémoire; l'autre purifiera la mémoire pour accueillir Dieu, objet de l'espérance, et la compléter par l'action de la volonté. La pratique de la vertu sera intellectuelle chez l'un, appuyée sur les vertus théologales chez l'autre. Plotin cherchera l'harmonie dans le monde, image de l'harmonie universelle, tandis que Jean de La Croix visera une beauté spirituelle. Si l'Un est amour, c'est pour s'aimer soi-même, tandis que l'amour chrétien privilégie l'altérité, voire la volonté. L'âme plotinienne contemplera l'intelligence, tandis que la démarche sanjuaniste considérera l'influence de Dieu sur l'âme. L'âme plotinienne, tournée vers l'intelligible, est pure, tandis que l'âme selon Jean de La Croix n'est pas séparée de ses limitations en s'approchant de Dieu. Nos deux auteurs ont vécu l'extase ; elle est pour Plotin un moment privilégié, imprévisible, de quiétude absolue ; chez Jean de La Croix, elle est exceptionnelle; mais l'union à Dieu vise à devenir habituelle. Alors peut-on pour lui parler de là-bas ?
Comme on le voit, la comparaison entre les deux auteurs est audacieuse, de l'ordre de la gageure, mais les rapprochements possibles sont nombreux.


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