On me pose une question, toujours la même : « Est-ce par provocation que tu as rapproché Emma et Thérèse ? » Je répondrai par une pirouette parodique : « Madame Bovary c'est moi, Thérèse c'est moi, et « je » est un autre. » Plus sérieusement, notre destin de femmes est concerné ·par les deux petites Normandes, l'une, fictive, conçue au dire de Flaubert comme une biographie, l'autre, réelle, canonisée comme une image de rêve. Bovarysme et mysticisme sont devenus des mythes que notre féminisme du XXème siècle a dû affronter. En cheminant avec elles, j'ai rencontré beaucoup d'épines sur les sévères buissons de l'Histoire, de la Psychanalyse, de la Religion, de la Littérature, mais aussi des roses à foison qui fleurissent chez chacune avec une même beauté au soleil de la poésie, de l'imaginaire et du cœur embrasé de la quête douloureuse et infinie de l'Amour. Même si, comme moi, au départ, elles vous irritent quelque peu, que vous les prenez pour des niaises auréolées par les prestiges de l'Art ou de la Religion, entreprenez le voyage à leur côté et vous en serez modifié en découvrant l'extraordinaire puissance du Désir qui les anime et qui, malgré vous, vous emporte hors des médiocrités de l'existence. (Micheline Hermine)