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TH n°103 LA MÉMOIRE DES ANCÊTRES, LE SOUCI DES MORTS. MORTS, RITES ET SOCIÉTÉ AU MOYEN-ÂGE

TH n°103 LA MÉMOIRE DES ANCÊTRES, LE SOUCI DES MORTS. MORTS, RITES ET SOCIÉTÉ AU MOYEN-ÂGE

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Date d'ajout : lundi 22 février 2016

par Jean-Michel MATZ

REVUE : ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS, 102, 1998

Depuis les études de Philippe Ariès, la mort est un grand thème d'étude historique, mais partant du constat que « la mort n'existait pas au Moyen Âge, pendant bien longtemps, il n'y eut que des morts » (p. 53), M. L. propose de déplacer la réflexion vers ces derniers pour appréhender leur place dans la société, les relations entre vivants et défunts et les usages que les premiers font des morts et de ces morts « très spéciaux » (P. Brown) que sont les saints, somme toute assez effacés dans l'ouvrage. Dans le cadre choisi, le diocèse de Liège des XIe-XIIIe siècles, l'auteur dispose d'une documentation ample et variée (dont il faut savoir gré à l'éditeur d'en conserver la longue ! liste, pp. 1-30) : collection de sources nécrologiques, riche dossier hagiographique (90 références), corpus testamentaire (avec la liste en annexe, pp. 516-523), … , soit autant de documents qui renseignent moins sur les relations entre vivants et morts que sur la manière dont l'Église s'est occupée des défunts. Dans cette étude anthropologique, l'institution ecclésiale est en effet en position centrale, à la fois force structurante, garante et principal bénéficiaire, matériel du système. Un chapitre préliminaire (pp. 67- 100) rappelle les fondements théoriques du culte chrétien des morts : le « De cura pro mortuiis gerenda » (v.421-2) de saint Augustin, et le 4e livre des « Dialogues » de Grégoire le Grand (+ 604) qui est le fondement de la prière monastique pour les morts. La doctrine fixée est immuable alors que les pratiques sont ensuite sans cesse adaptées aux structures sociales, comme le montre l'importance décisive de l'époque carolingienne dans la prise en charge des morts par l'Église, le développement de la memoria funéraire étant alors « le fruit d'une rencontre entre les entreprises pastorales de l'Église, la réforme du monachisme et les exigences de la politique impériale » (p. 97). Deux parties chronologiques articulent ensuite la démonstration stimulante proposée par M. L. Au cours des XIe et XIIe siècles s'élabore et se perfectionne un premier système du culte des morts : la memoria des ancêtres-fondateurs. Elle se développe d'abord dans les communautés monastiques où la commémoration, accomplie par l'union entre la mémoire et l'oraison, est présentée comme une « commémoraison » (p. 121 et ss.), néologisme déjà utilisé par L. Falkenstein par exemple ; mais l'entretien de la mémoire des morts est une valeur largement partagée dans la société : dans les communautés paroissiales, où beaucoup d'églises, édifiées sur des lieux d'inhumation, transforment les défunts en « ancêtres anonymes » (p. 153), mais surtout dans l'aristocratie dont la volonté systématique de se constituer une mémoire funéraire contribue à instituer et à renforcer la supériorité sociale et juridique, permettant ainsi la reproduction de la société seigneuriale. Dans ce milieu, les généalogies exaltant les lignages établissent une différenciation historique des ancêtres que l'on retrouve au plan matériel dans l'organisation des nécropoles familiales (pratique que seuls les ducs de Basse-Lotharingie négligent,
p. 299). Ce premier modèle n'a guère été ébranlé par les contestations qui se manifestent alors, notamment avec la secte de Lambert « liBeges », auteur probable de l'« Antigraphum Petri » où il épingle les ecclésiastiques, « voleurs » et « brigands » qui « transforment la table de Dieu en table des changeurs » (p. 243) ; les morts, source de revenus, d'autorité et de pouvoir, suscitent plutôt un « contrat social » (p. 182) dont le don matériel est l'analogue primitif auquel viennent répondre les contre-dons spirituels.
À partir de la fin du XIIe et au XIIIe siècle survient une mutation profonde : au système de la « commémoraison » se substituent un idéal et des pratiques d'intercession dont témoignent l'essor de la pratique testamentaire, des ordres mendiants, des confréries, …et surtout un nouveau cadre juridique. Le culte des morts ne donne plus à la société ses structures d'encadrement ; la messe pour les défunts (dont le lundi devient le jour rituel) est alors l'élément central de ce temps du « souci des morts ». La fonction funéraire de l'église s'affirme et, commune cette fois à tous les ecclésiastiques, elle procure dorénavant des ressources monétaires qui remplacent les dons traditionnels en déclin; elle permet aussi un élargissement du marché comme le montrent le passage des nécrologes aux obituaires ou la multiplication des demandes de messes (pour lesquelles on pourra regretter que les chapellenies, pourtant signifiantes, soient si rapidement expédiées, en p. 381). L'ouvrage s'interrompt au tournant des XIIIe-XIVe siècles et n'aborde donc pas l’« invention de la mort » de soi à la fin du Moyen Âge qui succède aux deux étapes étudiées, au cours desquelles la société liégeoise a étroitement lié les morts aux vivants mais sous deux formes successives bien individualisées. La réflexion, appuyée sur une bonne maîtrise de la documentation et d'une vaste bibliographie (en particulier les historiens allemands dont la virtuosité dans l'exploitation des documents nécrologiques est bien connue), donne sa profondeur à un ouvrage qui dépasse le cadre du diocèse liégeois, présenté par l'A. comme une région « moyenne » (p. 56). Cet adjectif paraît toutefois appeler nuance ; outre sa vaste superficie et son appartenance à 1'« Église impériale », ce diocèse - qui a été l'un des principaux théâtres de l'essor et des transformations sociales de l'Occident avec l'étonnant dynamisme urbain - connaît une efflorescence religieuse exceptionnelle (succès des ordres mendiants et des cisterciennes ou ampleur du mouvement des béguines investies d'un pouvoir d'intercession comme le montre le cas de Christine de Saint-Trond qui séjournait à l'intérieur du tombeau des défunts ! (voir p. 444) ; il n'est pas certain qu'elle permette de considérer l'exemple liégeois comme représentatif d'une région « moyenne » car nombre de régions ont ignoré pareil mouvement béguinal ou réservé - au moins au départ - un succès limité aux mendiants. Mais l'ouvrage « vivant » et stimulant de M. L. fera date.


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