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TH n°103 LA MÉMOIRE DES ANCÊTRES, LE SOUCI DES MORTS. MORTS, RITES ET SOCIÉTÉ AU MOYEN-ÂGE

TH n°103 LA MÉMOIRE DES ANCÊTRES, LE SOUCI DES MORTS. MORTS, RITES ET SOCIÉTÉ AU MOYEN-ÂGE

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Date d'ajout : lundi 22 février 2016

par C�cile TREFFORT

REVUE : CAHIERS DE CIVILISATION MÉDIÉVALE POITIERS, 43, 170

L'ouvrage de M. Lauwers est issu du remaniement partiel, d'une thèse de doctorat soutenue en 1992 à l'École des Hautes Études en Sciences Sociales, sous le même titre mais avec un sous- titre légèrement différent : Fonctions et usages du culte des morts dans l'Occident médiéval. L'intégration du terme de « société » à la version éditée est significative de l'optique retenue, celle d'une analyse avant tout sociale. En effet, si le travail de M. Lauwers semble s'inscrire dans une tradition maintenant ancienne d'histoire de la mort, il s'en démarque par une approche novatrice, autant par l'objet d'étude que par la méthode mise en œuvre.
La belle préface de Jacques Le Goff et la première phrase de l'introduction le rappellent : « Ce livre ne parle pas de la mort ». II parle des morts, ce qui est bien différent, et au-delà des morts, il étudie les vivants qui tirent d'eux la vie, le nom, les biens, et finalement le pouvoir. II s'agit donc bien d'une histoire politique et sociale, envisageant le monde seigneurial sous un angle original, celui de l'anthropologie historique, qui n'en finit pas de révéler ses richesses.
Le titre montre l'ambition de l'ouvrage, et si le sous-titre précise le terrain d'étude (diocèse de Liège, XIe-XIIIe S.), il ne doit pas cacher la large ouverture, chronologique et géographique, de la recherche. Le propos central est en effet précédé d'un long chapitre préliminaire, qui présente une synthèse aussi riche que précieuse des traditions de l'Antiquité tardive et du haut moyen âge, de saint Augustin aux Carolingiens, sur lesquelles se fondent doctrines et pratiques médiévales. D'autre part, si M. Lauwers étudie de manière précise et rigoureuse, à travers les textes essentiellement, les familles et les institutions liégeoises, il prend également largement en compte les textes fondamentaux dont l'impact se mesure à l'échelle de la chrétienté latine, tels ceux des liturgistes ou des canonistes. Le champ géographique annoncé apparaît finalement autant comme un laboratoire d'histoire générale que comme le cadre strict d'une histoire régionale. L'équilibre entre les deux dimensions est maintenu tout au long du travail, et le lecteur suit sans peine le raisonnement, guidé en outre à travers une matière dense par la clarté du discours et le support fort bienvenu de conclusions partielles.
L'ouvrage s'articule autour de deux grandes parties, globalement chronologiques, qui reprennent chacun des termes du titre. La première partie, qui porte sur La mémoire des ancêtres, XIe-XIIe siècles, évoque tout d'abord le système de la memoria ecclésiastique, au sein de laquelle les moines bénédictins jouent un rôle essentiel.
Les modalités de fonctionnement de cette memoria, déjà étudiées pour l'époque carolingienne par nos collègues allemands, sont ici analysées en détail dans le contexte seigneurial : l'importance de l'écriture, la force de la nomination, la multiplication des célébrations liturgiques sous diverses formes, l'attention portée aux lieux d'inhumation.
On peut alors comprendre l'enjeu des échanges entre les morts et les vivants qui, par le biais d'une aumône souvent médiatisée, font apparaître en pleine lumière les acteurs d'un réel contrôle des morts. Celui-ci devient aux XIe-XIIe S. un enjeu d'autant plus important qu'il accompagne et permet la mise en place du système contraignant de la paroisse, avec de multiples implications économiques sensibles dans les conflits de sépulture.
Le cimetière se trouve alors au cœur de pratiques qui structurent l'ensemble de la société médiévale, celle des humbles comme celle des grands. Les actes et souvent la légitimité des vivants se fondent sur les anciens et, parmi eux, sur les défunts que l'on transforme en ancêtres. Dans le monde seigneurial ou en milieu ecclésiastique, se développe ce que M. Lauwers appelle le « culte des ancêtres fondateurs ». Il en décrit la « fabrication » grâce en particulier à la manipulation des ossements pour les exalter ou les rassembler, et grâce à la rédaction de textes qui légitiment l'appropriation d'un c0TP.s saint ou rappellent l'histoire d'une famille. À une époque où les lignages puisent leur autorité dans leur antiquité, où les usages sociaux et les pouvoirs reposent sur la coutume, la mémoire des ancêtres apparaît constitutive du système seigneurial.
La seconde partie, qui porte sur Le souci des morts, XIIIe siècle, s'inscrit délibérément dans une logique de mutation, voire de rupture. La transformation des structures d'encadrement et, surtout, le développement de la pratique testamentaire permettent à l'Église d'intervenir, directement ou non, dans les dispositions des mourants. Par la prédication et par un encadrement pastoral plus efficace, se diffusent les nouvelles conceptions de l'au-delà (en particulier l'idée du purgatoire) et l'invitation pour tous les fidèles à prier pour les défunts. Les testaments accordent une importance croissante aux diverses formes de messes, organisées avec une remarquable régularité et dont la célébration incombe à de nouveaux acteurs, issus du monde urbain : les chapitres de chanoines et les ordres mendiants.
En parallèle à ces nouvelles communautés ecclésiastiques, les laïcs acquièrent au XIIIe S. un rôle majeur dans la prise en charge des morts et de leurs âmes. C'est en particulier le cas des femmes, cisterciennes et béguines essentiellement, dont la piété funéraire traditionnelle prend des formes nouvelles. Exclues des fonctions sacerdotales et sacrées, les mulieres religiosae bénéficient en revanche de nombreux legs, et passent leur temps à prier ou participer aux cérémonies des funérailles. Leurs expériences ascétiques ou mystiques, la plupart du temps en lien direct avec la mort et le purgatoire mais étroitement contrôlées par des confesseurs, sont ainsi mises en adéquation avec le discours officiel de l'institution ecclésiastique.
La féminisation de la mémoire funéraire s'accompagne d'une laïcisation sensible dans la création des confréries ou de divers mouvements, soutenus et encadrés également par l'Église. La commémoration des morts est ainsi devenue la tâche de tous, et elle fait la part belle à une véritable économie d'échange, monétarisée, comptabilisée. La distinction plus nette du sacré/consacré et du profane, du spirituel et du temporel, de l'ecclésiastique et du laïc, favorise l'émergence d'une société s'appuyant de plus en plus sur le droit, de moins en moins sur le sacré. Sans doute est-ce pour cela que l'ensemble des mutations analysées dans l'ouvrage relève, selon M. Lauwers, d'une « longue entreprise d'acculturation » qui, fondée sur la désagrégation de l'ancien système coutumier, donne naissance, véritablement, à un monde nouveau.
L'ampleur de la documentation utilisée, l'intelligence de la réflexion et l'ambition novatrice de la perspective historique adoptée font de ce travail un ouvrage majeur, aussi riche que stimulant. Depuis sa parution, M. Lauwers a publié d'autres travaux complémentaires, sous forme d'articles analysant certains dossiers particuliers. Loin de montrer une lacune dans l'ouvrage, ces articles prouvent combien le champ étudié est riche, et combien la vitalité de la pensée de l'auteur est grande. Ils nous laissent surtout espérer d'autres réflexions, plus fructueuses encore.


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