REVUE : REVUE D'HISTOIRE ET DE PHILOSOPHIE RELIGIEUSES 1980, 1

« La direction spirituelle a et aura toujours la même bouleversante mission qui est de rapprocher les âmes de Dieu. » Pour arriver à cette phrase de la conclusion de son ouvrage, l'auteur aura parcouru un très long chemin. Il n'est généralement plus évident en effet, aujourd'hui, que la direction spirituelle (expression catholique traditionnelle) et la cure d'âme (au sens protestant) se présentent comme un domaine essentiel de la vie des Églises et des croyants. Les « Guru de poche » et, plus noblement, les cabinets des psychologues et des psychanalystes remplacent avantageusement ce que les « directeurs » de naguère pouvaient légitimement offrir aux chrétiens déchirés par le doute, la détresse, le malheur et, peut-être surtout, le péché. Il fallait donc y regarder de plus près. Or, l'une des premières observations de J.-P. Schaller consiste dans le fait que bien des données du « psychologisme » récent ont déjà été exprimées voici longtemps par des directeurs classiques : il en est ainsi par exemple en ce qui concerne les « fausses motivations » et le rôle, pour tout destin, des premières années de la vie. Ainsi s'amorce une enquête historique remontant à trois siècles au moins, qui permet de retrouver les points de vue, la doctrine, les pratiques de la direction spirituelle. Constamment, les textes anciens sont rapprochés des conceptions les plus modernes, en particulier tout ce qui se dégage des textes de Vatican II. On peut regretter d'ailleurs que Vatican II ne soit pas isolé et systématiquement présenté dans un chapitre à part. Mais la méthode choisie par l'auteur lui laisse une plus grande liberté dans le choix des ouvrages étudiés. C'est ainsi que l'on trouve des développements relativement importants concernant la cure d'âme telle qu'elle a été comprise par les protestants. Sont plus ou moins longuement cités : Calvin, Vinet, Frommel, Charles Wagner, H. Bois, F. Neff, le pasteur o. Pfister, R. Guisan, M. Bœgner, le Docteur Tournier, J. Kaltenbach, W. Monod, J.-D. Benoît, R. Schutz, M. Thurian, Thurneysen, Asmussen, Barth et quelques autres. Il se peut que les « rapprochements » proposés soient ici ou là un peu forcés. « Le catholicisme attache à l'idée de liberté de conscience une ligne de conduite tracée par le Magistère en ce qui regarde les principes fondamentaux, soit dans la voie des vérités à croire, soit sur le chemin du bien à réaliser. Cette ligne est, par la force des choses, moins précise ou moins affirmée dans la perspective protestante » (p. 137), Il est bien que cela ait été dit, qui ne résout pas tous les problèmes - y compris ceux que posent les deux derniers chapitres de l'ouvrage, consacrés à la « sainteté » et dans lesquels les protestants auront quelque peine à se retrouver.
On lira cependant ce livre avec un intérêt évident parce qu'il dissipe nombre de préjugés et qu'il est en mesure de relancer la pratique, certes peu spectaculaire mais essentielle, d'une authentique « relation pastorale ».