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LES TRIBULATIONS DE L’ECCLESIOLOGIE A LA FIN DU MOYEN AGE

LES TRIBULATIONS DE L’ECCLESIOLOGIE A LA FIN DU MOYEN AGE

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Date d'ajout : vendredi 08 janvier 2016

par M. F.

REVUE : REVUE THOMISTE, 3, 1997

Parmi les débats auxquels les disciples de saint Thomas ont été mêlés à la fin du Moyen Age, une place de choix revient aux controverses ecclésiologiques. S'y sont illustrés des théologiens comme Jean de Torquemada, auteur de la première Summa de ecclesia, ou plus tard Cajetan. Ces controverses font l'objet, sous le titre "l'ecclésiologie au carrefour du Moyen Âge tardif, du huitième volume de la monumentale histoire de la philosophie européenne au XVe siècle que nous devons au grand médiéviste polonais, S. Swiezawski. L'insertion de ces débats théologiques dans une histoire de la philosophie se justifie amplement du fait que certaines catégories fondamentales de la philosophie politique moderne trouvent probablement leur origine dans ces controverses ecclésiologiques de la fin du Moyen Age - beaucoup plus que dans le conflit des métaphysiques réalistes et nominalistes auxquelles on voudrait parfois les rattacher.
L'adaptation française de ce huitième volume vient de paraître sous le titre : Les Tribulations de l'ecclésiologie à la fin du Moyen Age. En recensant l'adaptation qui avait été faite naguère de l'ensemble de l'œuvre, j'avais manifesté une certaine sévérité pour la piètre qualité d'un travail qui était par ailleurs méritoire. Je me réjouis donc de constater que la présente adaptation est de bien meilleure facture, même si les imperfections littéraires demeurent encore trop nombreuses. La lecture est rendue difficile par un style assez pesant et des incorrections répétées. N'insistons pas sur les fautes d'orthographe et de typographies, mais comment laisser passer des expressions comme « ne pas trouver de grâce dans les yeux de… " (p. 135) ? On regrette aussi que les citations de la littérature secondaire en langues modernes - qui, d'ailleurs, sont trop nombreuses et de peu d'utilité - aient été laissées en langue originale dans le corps du texte, même si la traduction, pas toujours complète (d. p. 79, note 112), apparaît en note.
Malgré tout, la lecture de l'ouvrage reste utile. On en appréciera surtout la très ample documentation : quatorze pages bien tassées d'une bibliographie qui a été vraiment exploitée, mais, hélas, pas d'index. Dans cette masse documentaire, quelques erreurs ont pu se glisser ici ou là. Ainsi on est un peu surpris de trouver Léonard Huntpichler, auquel I. W. Frank a consacré en 1976 un travail remarquable sous le titre : Der Antikonziliaristische Dominikaner Leonhard Huntpichler, catalogué parmi les partisans du conciliarisme (p. 100). Il est vrai que la définition du conciliarisme est assez floue.
Cinq chapitres divisent l'ouvrage. Le ch, 1, « Tragique déchirure spirituelle de la chrétienté et de l'humanité », fait ressortir la diversité religieuse de l'Europe à la fin du Moyen Age ainsi que certaines des attitudes très contrastées qu'elle suscite, depuis la répression violente jusqu'aux formes les plus hardies de tolérance. L'A. s'attache surtout à la question hussite qu'il présente dans un sens très favorable au réformateur : « On a l'impression que le pauvre "hérétique" incarnait les valeurs morales et évangéliques authentiques » (p. 7).
L'évolution des relations entre l'Église et les États fait l'objet du ch. 2. Selon l'A., le phénomène majeur de l'époque est la (funeste) sécularisation de l'autorité ecclésiastique, spécialement de la papauté. De plus en plus, le pape se comporte dans l'Église comme un homme d'État séculier. Et comme le pouvoir politique du pape garde, de sa proximité avec l'autorité religieuse, une aura d'absolu, il peut facilement dégénérer en absolutisme. Le concept politique, pernicieux, de « souveraineté » pourrait alors n'être que la Projection dans l'ordre profane d'une conception religieuse dégénérée de l'autorité. Mais, paradoxalement, la notion de souveraineté se retourne contre l'Église qui, malgré la multiplication des concordats, se trouve placée sous tutelle étatique, quand sa distinction d'avec le corps politique n'est pas purement et simplement niée, comme ce sera le cas avec Luther.
L'A. n'hésite pas à discerner là une des racines profondes des totalitarismes contemporains (cf. p. 52). , A
La réaction à ces dérives et aux malheurs de l'Église porte à la fin du Moyen Age un nom : le concile. Les trois derniers chapitres y sont consacrés. Au XVe siècle, en effet, beaucoup sont convaincus que l'indispensable réforme de l'Église in membris et capite passe par la réunion régulière de conciles universels. Le conciliarisme n'est donc pas d'abord, selon l'A., l'idée toute abstraite et théorique d'une supériorité du concile sur le pape, mais la conviction pratique et concrète que les conciles, comme expressions de l'universalité de l'Église, sont seuls capables de porter remède aux maux qui affligent l'Église (CF. p. 63 ; 69; 93… ). Le ch. 3 retrace les cheminements de l'idée de réforme ainsi que l'histoire des « conciles » du XVe siècle (Pise, Constance, Bâle…), tandis que le ch. 4 s'efforce de préciser l'histoire et le contenu doctrinal du conciliarisme.
Le mouvement conciliaire n'a cependant pas porté les fruits escomptés et la seconde moitié du XVe siècle voit le triomphe d'une forte réaction anticonciliaire emmenée par des théologiens thomistes comme Jean de Torquemada ou, plus tard, Cajetan [On est un peu peiné de voir Cajetan qualifié, à propos de sa rencontre avec Luther, d'homme « de monologue et de polémique » (p.20). Cf. les appréciations plus sérieuses de Ch. Morerod, Cajetan et Luther en 1518, Édition, traduction et commentaires des opuscules d'Ausbourg de Cajetan, Fribourg, 1995, vol. I, p. 4-81.] Selon une tactique aussi discutable que répandue, l'A. s'efforce de dissocier saint Thomas de ses compromettants disciples (cf. p. 113), mais le franc pontificalisme de l'Aquinate résiste et les remarques sibyllines de la p. 91, note 178, n'y peuvent rien.
L'effervescence conciliariste n'aura pourtant pas été vaine. Dans son extrême diversité, elle a été à la fois le signe et 'instrument du développement positif d'un certain esprit démocratique. « Les conciles du XVe siècle ont remarquablement contribué à la formation de l'ambiance dans laquelle les tendances démocratiques et constitutionnelles modernes ont pu se manifester » (p. 90). L'A. ne dissimule guère son enthousiasme pour ces valeurs démocratiques - ce qui se comprend pour un intellectuel polonais qui, comme le rappelle le P. Cottier dans sa Préface, s'est refusé à tout « compromis avec la dictature communiste,. (p. VII) - et exalte avec passion le rôle providentiel de la Pologne dans l'émergence au Moyen Age d'une civilisation de liberté et de tolérance (cf. p. 21 ; 100).
Cela dit, il faut quelque discernement dans l'appréciation exacte des relations entre les idées politiques et les concepts ecclésiologiques, pour ne pas favoriser l'équation simpliste : pontificalisme = absolutisme ; conciliarisme = démocratie. Il est tout à fait permis de regretter un exercice trop sécularisé et trop personnalisé de l'autorité pontificale, mais il est excessif d'y voir les germes des totalitarismes modernes. D'une part, les pontificalistes les plus acharnés ont toujours su et dit que l'autorité dans l'Église était d'ordre constitutionnel et, d'autre part, s'il faut vraiment chercher une cause, lointaine, aux totalitarismes nationalistes de notre temps, elle réside plutôt dans la marginalisation au profit des pouvoirs laïcs de cette institution supranationale qu'est la papauté.
Quant à prétendre que la collégialité, remise en valeur à Vatican II, serait une manière de faire droit aux exigences démocratiques du conciliarisme modéré, il faut là encore s'entendre. S'il est vrai que la collégialité épiscopale manifeste mieux la participation des évêques - et par eux des Églises particulières - au gouvernement de l'Église universelle, elle n'a qu'un très lointain rapport avec la démocratie au sens politique du terme. Pour la simple, mais décisive, raison qu'il est essentiel pour la démocratie politique que l'autorité vienne du peuple qui la délègue à ses représentants, tandis que, dans l'Église, l'autorité vient de Dieu qui la communique en vertu d'une consécration sacramentelle. Certes, l'évêque « représente son peuple, mais sur un tout autre mode que celui de la délégation. C'est en tant qu'il est configuré au Christ, Tête de l'Église. Entre l'Église et la société civile, il y a analogie : ressemblance, certes… mais au sein d'une dissemblance encore plus grande.


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