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LE SILENCE DES MOINES. Les trappistes au XIXème siècle

LE SILENCE DES MOINES. Les trappistes au XIXème siècle

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Date d'ajout : mercredi 19 août 2015

par Guy-Marie OURY

REVUE : ESPRIT ET VIE, SEPTEMBRE 1998

Trois titres pour le même livre ; il est vrai que la matière est abondante et que ce livre de plus de 600 pages est la reprise d'une thèse d'État soutenue en 1994 sous le titre : « Être trappiste au XIXe siècle, Aiguebelle et sa filiation 1815-1910 », sous la direction de C. Langlois et J.-M. Mayeur, à I’Université de Paris IV (Sorbonne), qui elle comptait plus de 1 000 pages.
Entre la thèse et le livre, des coupures ont été imposées pour les nécessités de l'édition; on le voit clairement, par exemple, au chapitre V où il est fait allusion à des tentatives antérieures de fondations (Roquereyne, Saint-Vincent en Turquie d'Asie) sur lesquelles le lecteur n'a pas été renseigné.
On ne peut qu'être impressionné par la masse de documents consultés, cc qui suppose beaucoup d'efforts, de persévérance et de méthode, car les sources sont dispersées : Archives Nationales et Bibliothèque Nationale, Archives du Sénat, Archives du Quai d'Orsay, Archives d'Outre-Mer, Archives de la Secrétairie d'État au Vatican, Archives de la Curie générale des Cisterciens de la Stricte observance, Archives du Saint-Ordre, Archives des monastères particuliers (Aiguebelle, Staouëli, Grande-Trappe, Notre-Dame des Neiges, Notre-Dame du Désert, Acey, Maubec, NotreDame des Dombes), Archives de l'archevêché d'Alger.
La masse des renseignements une fois accumulée, il a fallu les mettre en œuvre en un domaine où dominent encore les productions de type hagiographique, avec quelques bonnes études d'exploration (on pense en particulier à celles du P. du Halgouët ou du P. Vincent Hermans, ou encore de Jean de la Croix Bouton, et les études de P. Zakar).
Dans l'Introduction générale, l'A. a expliqué que « la Trappe, au XIXe siècle, présente des caractères qui en font un sujet idéal pour explorer ce que J. Séguy nomme l'utopie écrite » et que « la présente étude est très redevable aux travaux de J. Séguy, tout spécialement en ce qu'il a fait connaître une partie de l'œuvre de Ernst Troeltsch, l'ami de Max Weber » (pp. 6-7). Après une semblable profession de foi, on en vient à redouter que l'ouvrage tout entier ne soit un livre à thèse, à la manière de nombre d'études américaines qui réunissent à lire de travers tout ce qu'elles touchent. Fort heureusement, il n'en est rien. L'historien va de l'avant, fait son travail avec une conscience exemplaire, puis propose une interprétation ou, si l'on préfère, une « lecture », soit en conclusion, soit au début d'un chapitre; mais le résultat du travail n'en est pas infléchi pour autant.
L'initiative de Dom de Lestrange de chercher refuge en Suisse, avec le noviciat de l’abbaye de la Trappe et quelques moines formés, dès les premières mesures révolutionnaires, a permis à la réforme de Rancé, infléchie par lui, de traverser la grande tempête qui a emporté les autres formes de vie monastique et religieuse masculines. La restauration monastique du XIXe siècle devra beaucoup à la continuité de la Trappe, particulièrement la Pierre-qui-Vire (P. Muard) et le Mesnil-Saint-Loup (P. Emmanuel), sans parler du P. Barnouin et de sa Congrégation cistercienne (Sénanque, Lérins) ; Dom Guéranger, avant de restaurer Solesmes, fit une retraite à l'abbaye de Port-du-Salut et rencontra Dom de Beauregard, abbé de Melleray. Mais Dom Guéranger, dans ses écrits personnels, se montre conscient des faiblesses de la Trappe et se distancie d'elle.
Ce n'est pas toute l'histoire de la Trappe au XIXe siècle que Bernard Delpal a eu l'intention de faire : il s'est limité à la filiation de l'abbaye d'Aiguebelle dont le rayonnement a été considérable. Les effectifs de Solesmes semblent négligeables comparés à l'afflux des vocations vers les monastères cisterciens à la même époque.
En fait, l'auteur étudie le couple Aiguebelle-Maubec, ne dissociant pas du grand monastère l'abbaye des moniales proche de celui-ci et soumise à la fois à l'évêque diocésain et à l'abbé voisin.
Dans une première partie, l'A. rappelle l’histoire de la réforme de Rancé et l'époque monastique de la Valsainte, avec ses étrangetés juridiques et administratives, dues aux circonstances exceptionnelles de son déroulement. Il expose la remise en ordre lors de l'installation en France après 1815 et les tâtonnements divers pour trouver une solution aux problèmes institutionnels qui relèvent quelque peu de la quadrature du cercle : exemption dans la soumission aux évêques, vœux solennels qui sont considérés comme des vœux simples du fait de la situation politique, union forcée des monastères issus de la réforme de la Trappe.
La restauration d'Aiguebelle s'est faite dans ce contexte, mais le monastère a pris tout de suite un essor considérable, et s'est trouvé, de ce fait, dans une situation privilégiée.
La deuxième partie est consacrée à l'expansion, avec une insistance particulière sur Staouëli, Notre-Dame de l'Atlas, qui a revêtu à l'époque une signification quasi-mythique et a mis Aiguebelle en collaboration étroite avec l'armée et les instances gouvernementales - un paradoxe dans un pays qui ne voulait pas reconnaître l'existence juridique des congrégations religieuses et prétendait s'en tenir aux lois votées en 1790. Il en a été de même pour le monastère des Dombes, associé à une œuvre d'utilité publique, intéressant de nombreuses instances civiles ; les deux fondations de Notre-Dame des Neiges et de Notre-Dame du Désert présentent un type plus classique dans la tradition monastique. Pour Acey ct Bonnecombe, les évêques ont presque forcé la main pour obtenir une fondation en laquelle ils voyaient une restauration avec son aspect « archéologique », sensible surtout au dehors du monastère.
La troisième partie aborde la question de l'observance et des pratiques (de manière un peu courte, malheureusement), et les immenses problèmes posés par le temporel, qui ont forcé les communautés à se lancer dans des entreprises industrielles. Le cas des moniales de Maubec avec leur orphelinat et la nougaterie est envisagé dans un chapitre particulier.
La quatrième partie revient sur le problème de la spiritualité qui mériterait à lui seul un ouvrage particulier, et aborde les relations avec l'État et avec le Saint-Siège. Le dernier chapitre prépare une nouvelle étape, celle inaugurée par Léon XIII qui a créé en fait deux Ordres cisterciens : le Saint-Ordre et les Cisterciens réformés, chacun avec leurs instances de gouvernement unifiées. Mais elle est aussi l'époque d'une distanciation progressive vis-à-vis de la réforme de Rancé et la redécouverte spirituelle des origines cisterciennes.
Ce simple schéma ne saurait rendre compte de la richesse d'un livre que l'on peut considérer comme une étude pilote sur le monachisme cistercien au XIXe siècle dans l'espace francophone. Les graphiques, les cartes, et l'iconographie ajoutent à sa richesse.


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