REVUE : ANALECTA BOLLANDIANA, t. 116, 1998

Le livre de B. Delpal prend en quelque sorte le relais de celui d'A.-H. Laffay. Le seul titre indique qu'il est d'une tout autre facture. Et s'il n'est pas moins passionnant, il s'avère plus ardu à présenter tant l'A. a véritablement truffé son exposé de détails, ceci étant à considérer non comme une critique mais bien comme une marque d'estime de l'ouvrage. Le volume se présente d'abord comme une histoire des Trappistes tout au long du siècle concerné ; par ailleurs l'A. s'est plus particulièrement intéressé à quelques établissements, tant d'hommes que de femmes, de cette observance, tout en étudiant différentes composantes de la vie du monde trappiste. Ainsi, p. ex., le monastère de Staouëli a participé à sa manière à la colonisation de l'Algérie ; Notre-Dame des Dombes collabora à l'assainissement de la région ; le prieuré des Trappistines de Maubec fut un lieu d'éducation d'orphelines. Autres thèmes étudiés : les rapports avec l'État et avec le Saint-Siège, la formation intellectuelle et spirituelle, de même que les regards portés par les contemporains, spécialement les écrivains, sur l'univers trappiste.
De son enquête, l'A. conclut que, malgré la volonté de préserver le monachisme primitif dans toute sa radicalité (les Trappistes se voulaient les continuateurs authentiques de Cîteaux, de Rancé, de Lestrange, voire se proposaient de rendre ce monachisme encore plus rigoureux), et devant un succès croissant, la formule trappiste finit par être, pourrait-on dire, remise dans le rang : Léon XIII en fit un Ordre religieux centralisé et soumis à Rome, et finalement plus « compromis » avec le monde environnant. Il conviendrait évidemment d'interroger les Trappistes actuels pour savoir si cette interprétation est exacte, non du seul point de vue historique, mais bien entendu pour vérifier si les adaptations successives - voulues par les moines eux-mêmes ou imposées par les autorités ecclésiastiques - ne font précisément pas partie de l'essence du monachisme en tant que tel : la fuite du monde n'implique pas nécessairement son ignorance ; et la quête des origines ne peut en aucun cas devenir pure nostalgie.
On appréciera tout particulièrement les nombreux graphiques, cartes, documents iconographiques et autres qui accompagnent cet ouvrage, inclus dans le corps de l'ouvrage ou rassemblés dans les différentes annexes, sans oublier le relevé des sources et des ouvrages utilisés.