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LE SILENCE DES MOINES. Les trappistes au XIXème siècle

LE SILENCE DES MOINES. Les trappistes au XIXème siècle

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Date d'ajout : mercredi 19 août 2015

par Jean S�GUY

REVUE : ARCHIVES DE SCIENCES SOCIALES DES RELIGIONS n° 104, 1998

Cet ouvrage, écrit par un professeur de l'Université Jean Monnet (Lyon) est issu d'une thèse de doctorat ès Lettres (État) soutenue en 1994, à Paris IV-Sorbonne. Nos collègues CI. Langlois et J.-M. Mayeur en avaient assuré la direction conjointement.
Réduit de façon sensible par rapport à l'original présenté à soutenance, ce Silence des moines n'en reste pas moins d'une grande richesse et nouveauté d'information historique, et de précision érudite. N'étant pas historien du monachisme en général, et encore moins de la Trappe, le présent recenseur se contentera d'évoquer ici quelques-uns des aspects qui lui sont plus familiers dans ce travail.
On a été frappé, en premier lieu, par la manière dont l'auteur a su poser les limites de son objet : d'une part, et par rapport à l'ordre de Cîteaux, c'est une observance particulière qui se trouve retenue : la Trappe en l'occurrence ; d'autre part, Aiguebelle (Drôme) et sa filiation sont au centre de l'attention du chercheur. Or, cette double « réduction » ne contraint pas à la monographie régionalisante ; B. D. en fait, au contraire l'occasion d'une démarche comparative : entre des monastères de la mouvance d'Aiguebelle, entre ces maisons et toutes celles qui se réclament de la Trappe, entre toutes les fondations et les observances diverses qui font l'ordre de Cîteaux. Enfin, en se fixant sur Aiguebelle et ses maisons-filles (la filiation d'Aiguebelle), l'A. se réfère à un des points forts de la restauration monastique du XIXe siècle ; il s'ouvre ainsi la possibilité d'explorer deux aspects originaux de l'expansion trappiste en ce même siècle : le sous-titre le signale, Aiguebelle fonde en effet alors en Algérie et en Syrie ; sur la frontière de l'expansion coloniale française, c'est l'islam que les fils de S. Bernard, de Rancé et de Lestrange rencontrent.
Autre frontière, celle des sexes : en choisissant Aiguebelle comme point d'ancrage, l'A. du Silence des moines se met à même d'étudier et de présenter une fondation féminine (une sur les six maisons formant alors la filiation d'Aiguebelle), le monastère de Maubec (Drôme). Du même coup, il se trouve amené à évoquer le problème de l'organisation de l'ordre cistercien tout entier et des rapports qu'hommes et femmes y entretiennent ; si ceux-ci vivent et travaillent en maisons séparées, il n'existe en effet - canoniquement - qu'un seul ordre de Cîteaux. Le problème ici n'est donc pas - uniquement - celui, ou ceux, d'un « catholicisme au féminin » (cf. la thèse de CI. Langlois, Arch. 63, pp. 85-114), mais bien celui du pouvoir et de sa répartition entre les sexes à Cîteaux et à la Trappe. L'A. en traite avec pertinence.
Enfin, le choix de la Trappe comme observance étudiée - plutôt que de Cîteaux dans son ensemble - permet de faire porter l'éclairage de la recherche sur l'existence et la consistance d'un phénomène essentiellement - quoique non exclusivement – français : le « trappisme », dans la nomenclature de B. D. Il s'agit en l'occurrence de cerner un moment très particulier, et pas du tout nécessaire, de la vie d'un ordre religieux : celui où une réforme rigoriste - ici celle de la Trappe - maximalise ses perspectives et ses pratiques dans l'épreuve de la persécution (la Révolution française) et de l'exil (en Suisse d'abord). Ce processus permettra la survie de l'observance trappiste ; l'intérêt du cas tient en partie dans le fait que le même siècle - l'affaire du trappisme naît dès 1791 avec le départ de dom de Lestrange et de vingt-quatre de ses confrères vers la Valsainte, autour de Fribourg en Suisse - verra le phénomène en question réussir et se transformer (dans le cours même du XIXe siècle) jusqu'à réintégrer l'unité - jamais tout à fait rompue - de l'ordre de Cîteaux.
Les aspects sectaires du trappisme (au sens où Weber et Troeltsch parlent de « sectes ») n'ont pas échappé à l'A. de l'ouvrage. Il faut se louer qu'il en ait relevé quelques-uns : nature volontaire du groupement, séparation forte d'avec le monde, méfiance vis-à-vis de l'Etat et de la culture, etc. On aurait aimé que la chose fût faite plus systématiquement, et quelque part que l'A. expose ce qu'il en est, selon Troeltsch en particulier, du type-secte. La plausibilité serait apparue avec plus de relief, dès lors, d'une analyse de la Trappe en terme de « secte ».
B. D. a su également, avec plus de succès peut-être que dans le cas précédent, recourir au concept d'utopie - tel que le présent recenseur l'a construit dans tels de ses travaux s'agissant de décrire et de comprendre certains aspects de l'idéologie et de la pratique trappistes: on a été intéressé - entre autres exemples possibles - par l'analyse faite du rapport de la Trappe aux Pères du désert lus en perspective ascétique; l'A. convainc lorsqu'il y voit une des références utopiques les plus caractéristiques de la Trappe. Par ailleurs cependant on regrette que - dans un dossier où le matériau abondait sous ce rapport - l'A. n'ait pas plus longuement analysé l'ascèse trappiste en termes wébériens c'est-à-dire comme « critique de l'homme religieux moyen » et comme mise en cause du pouvoir tant étatique qu'ecclésiastique. Le thème est néanmoins présent dans l'ouvrage.
On a relevé l'intérêt soutenu accordé ici à la fondation algérienne: « Staouéli, grande utopie chrétienne en terre d'islam ». Tout ce qui est dit de ce cas d'une part, et de la « deuxième Église d'Afrique » par ailleurs en termes d'utopie (et dans la comparaison avec d'autres utopies en mêmes lieux et temps) nous a paru très bienvenu.
Sur un point encore, l'utilisation faite du concept d'utopie nous a paru extrêmement féconde : c'est lorsque, dans la conclusion générale, l'A. qualifie les diverses phases de l'utopie trappiste pratiquée par les fonctions qu'elle remplit selon les moments et les lieux. L'analyse montre bien qu'il n'existe pas de nécessité à la succession chronologique de ces fonctions. De même B. D. souligne que les diverses transformations de l'utopie dans l'histoire - peu importe par qui ou quoi elles sont provoquées - ne mènent pas nécessairement celle-ci à sa dilution et à son éventuelle disparition. On rejoint ici les problèmes du charisme.
Nous devons encore signaler l'importance accordée aux problèmes économiques, au travail, à la vie quotidienne collective et individuelle des moines et moniales. L'A. réalise assez bien, selon nous, son propos de départ : écrire un essai d'histoire monastique autour de l' « homme de la stalle », du « moine lambda » en quelque sorte, dans sa vie ordinaire. De ce point de vue, on notera que l'ouvrage présente toujours les problèmes de la vie spirituelle en rapport avec ceux de la vie quotidienne des monastères et de leurs diverses populations. Ceci apparaît de façon particulièrement visible dans la dernière partie de l'ouvrage, « Ascèse, compromis, spiritualité ». N'y voit-on pas la spiritualité de la Trappe s'y transformer notablement (en fin de XIXe siècle et début de XXe siècle) sous l'influence de coordonnées profanes variées : économiques, politiques, culturelles (les « changements de mentalité » entre autres) ; devant aussi certaines exigences de l'État et de l'Église, de la démographie des monastères, etc. Mais la relative autonomie des phénomènes religieux ne s'en manifeste pas moins là encore : non seulement la spiritualité qu'illustrent Dom Vital Lehodey, Dom Chautard et quelques autres plonge ses racines dans un renouveau bernardin intéressant; elle se réfère de plus aux carmes espagnols du XVIe siècle, à tels jésuites du XVIIe siècle, à François de Sales et à quelques autres sources non monastiques. De façon remarquable, le réveil spirituel qui passe au même moment ou plus tard - hors des cloîtres - par Huysmans, le Père de Foucauld, Bloy, Claudel, et jusqu'à Massignon se réclame aussi - à des titres divers - de ce moment trappiste. Le Silence des moines trouve écho. Pour autant les problèmes affectant à la même époque la vie monastique, celle des religieux, et la vie spirituelle en milieu catholique ne s'en trouvent pas résolus.


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