REVUE : REVUE DES ÉTUDES JUIVES, 159, JANVIER 2000

C'est au rapport entre le christianisme et la culture grecque au IIe siècle qu'a été consacré un colloque, co-organisé par le département de grec de l'Université de Tours et le département de la recherche de l'Institut catholique de Paris, qui s'est tenu dans les locaux de l'Institut catholique de Paris les 2 et 3 septembre 1996, dont les actes sont publiés sous la responsabilité de Bernard Pouderon et de Joseph Doré,
Ces rapports « ont été dès l'origine placés sous le signe de la passion ». Ils se sont en effet développés dans le cadre de « d'affrontement entre deux systèmes de valeurs, le juif, d'inspiration religieuse et croyante, et le grec, d'inspiration rationnelle et philosophique ». Cependant, ces rapports entre la culture grecque et la culture juive, qui remontent à la conquête de la Palestine par Alexandre, n'ont pas toujours été hostiles. Dans la Diaspora égyptienne, par exemple, Philon d'Alexandrie a assumé pleinemenltla double culture, juive et grecque.
Comme le soulignent fort bien les deux éditeurs, « ces deux attitudes contraires, accueillante et hostile, se retrouveront plus tard chez les chrétiens ». Parmi les Pères de l'Église hostiles à la culture grecque, on peut citer notamment Tatien, Tertullien et Jean Chrysostome.
Les Apologistes, dont il est principalement question dans ce volume, « offrent les meilleurs exemples de la confrontation et de l'affrontement du christianisme avec la pensée et la culture grecques », mais il est vrai que « leur rôle était de servir de porte-parole, de défenseurs et de hérauts » au christianisme naissant et de « nouer ainsi des relations, sereines ou conflictuelles, avec le monde païen ».
Vingt-trois contributions, dont les auteurs sont des patrologues ou des théologiens, hellénistes, latinistes et orientalistes, composent cet important recueil, en faisant ainsi un instrument de recherche de premier ordre pour la connaissance du christianisme au IIe siècle, voire après.
M. Alexandre, « Apologétique judéo-hellénistique et premières apologies chrétiennes », p. 1-40. A.G. Hamman, « Dialogue entre le christianisme et la culture grecque, des origines à Justin: genèse et étapes », p. 41-50. M. Fedou, « La figure de Socrate selon Justin », p. 51-66. A. Wartelle, « Quelques remarques sur le vocabulaire philosophique de saint Justin dans le Dialogue avec Tryphon », p. 67-80. E. Norelli, « La critique du pluralisme grec dans le Discours aux Grecs de Tatien », p. 81-120. M. Giunchi, « Dunamis et taxis dans la conception trinitaire d'Athénagore (Leg. X, 29; XII, 21; XXIV, 9) », p. 121-134. N. Zeegers, « Les trois cultures de Théophile d'Alexandrie », p. 135-176. P.-H. Poirier, « Les chrétiens et la garde du monde. À propos d'Ad Diognetum VI », p. 177-186. M. Starowieyski, « Éléments apologétiques dans les apocryphes », p. 187-109. F. Chapot, « Les apologistes grecs et la création du monde. À propos d'Aristide, Apologie 4, 1 et 15, 1 », p. 199-218. P.F. Beatrice, « Diodore de Sicile chez les apologistes », p. 219- 236. B. Pouderon, « Réflexion sur la formation d'une élite intellectuelle chrétienne au IIe siècle : les écoles d'Athènes, de Rome et d'Alexandrie », p. 237- 269. l-C. Fredouille, « Tertullien dans l'histoire de l'apologétique », p. 271-281. C. Ingremeau, « Lactance et la philosophie des passions », p. 283-296. M. Perrin, « Lactance et la culture grecque - Esquisse d'une problématique », p. 297-313. P. Laurence, « Jérôme, la culture grecque et les femmes », p. 315-331. J. Bochet, « "Non aliam esse philosophiam […] et aliam religionem" (Augustin, De uer. rel. 5, 8) », p. 333-353. P. Évieux, « De Julien à Cyrille. Du Contre les Galiléens au Contre Julien », p. 355-368. M.-A. Calvet-Sebasti, « Comment écrire à un païen ? L'exemple de Grégoire de Naziance et de Théodoret de Cyr », p. 369-381. J.-N. Guinot, « Foi et raison dans la démarche apologétique d'Eusèbe et de Théodoret », p. 383-402. J.-N. Pérès, « La culture helléno-syriaque de l'Église jacobite des VIIe- VIIIe siècles. Un refuge contre la tentation de l'apologétique », p. 403- 411. M. Guiorgadzé, « L'influence littéraire de l'Apologie d'Aristide sur le Martyre et la Passion d'Eustathe de Mtskheta (Vie siècle) », p, 423-421. G. Dorival, « L'apologétique chrétienne et la culture grecque », p. 423-465.
Outre une préface et une postface de J. Doré, une excellente bibliographie complète cet ensemble, mais on ne peut que regretter l'absence d'un index qui eût été fort précieux.