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10. LE DEVENIR DE LA THÉOLOGIE CATHOLIQUE MONDIALE DEPUIS VATICAN II 1965-1999

10. LE DEVENIR DE LA THÉOLOGIE CATHOLIQUE MONDIALE DEPUIS VATICAN II 1965-1999

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Date d'ajout : samedi 12 septembre 2015

par Raymond WINLING

REVUE : REVUE DES SCIENCES RELIGIEUSES, janvier 2002

Le présent ouvrage a ses origines dans des cycles de conférences données à l'initiative de J. Doré, alors directeur du Département de la Recherche de la Faculté de théologie de l'Institut Catholique de Paris (1996-1998). Ces conférences traitaient d'abord de la théologie pratiquée en Europe, puis par élargissement, de celle pratiquée dans d'autres aires culturelles comme l'Amérique du Nord, l'Amérique latine, l'Afrique, l'Inde et l'Asie du Sud. Publiées partiellement dans la revue Transversalités, elles ont été augmentées et réunies en un ouvrage intitulé Le devenir de la théologie catholique mondiale.
La matière a été répartie en grands ensembles : d'abord, l'Europe avec l'évolution propre à différents pays, ensuite, les autres continents. Une dernière partie, intitulée post-face, est destinée à une reprise récapitulative et à une mise en perspective. Une rapide analyse de contenu s'impose, vu l'ampleur et l'originalité de cet ouvrage qui fera date.
I. La théologie en Europe
On est porté à répartir les différentes contributions, dont chacune est éclairante à sa façon, en deux groupes :
A. L'aire germanophone (l'Allemagne, l'Autriche et la Suisse de langue allemande) - la France - la Belgique.
a. Pour l'aire germanophone, K. Neufeld distingue trois étapes dans l'évolution ;
- d'abord une ère d'euphorie résultant du fait que Vatican avait avalisé pas mal d'idées défendues par les théologiens allemands;
- ensuite une ère de libres contestations et de discussions parfois passionnées (1970-1989) autour de thèmes comme l'infaillibilité du Pape, la sécularisation, l' œcuménisme ;
- enfin un temps de recherche concernant des questions comme le rôle public du christianisme au sein de la société, la responsabilité à l'égard de l'Eglise universelle, la nécessité d'une théologie ouverte aux besoins de la pastorale.
b. La théologie en France fait l'objet d'une contribution de P. Vallin, riche en informations sur les déplacements qui se sont produits après Vatican II. Les mouvements qui caractérisent l'évolution sont rapidement présentés : dissidence de Mgr Lefebvre, clivages entre progressistes et les autres à propos de la réforme liturgique et de la relation avec les communistes. Puis sont fournies des informations sur les domaines les plus fréquentés : exégèse historico-critique, étude renouvelée des textes patristiques, problèmes de théologie pratique, ecclésiologie. L'auteur s'attache aussi à étudier l'influence de la philosophie sur la théologie, notamment celle de Hegel. Il regrette que la théologie n'ait pas réussi à se procurer dans la culture française une place vraiment reconnue.
c. L'exposé de A. Denaux et de G. Harpigny sur la théologie en Belgique trace un bilan flatteur des activités de recherche et de publication réalisées dans ce pays. Malgré la scission de l'ancienne Université de Louvain et la création des Facultés de théologie de Louvain-la-Neuve et de Leuven, l'activité théologique ne s'est pas ralentie: elle reste d'une grande richesse.
Ce premier groupe est constitué des pays qui peuvent s'honorer d'une longue tradition théologique et d'un rayonnement international.
B. Un deuxième groupe est constitué par l'Italie, l'Espagne et, toutes proportions gardées, les Pays-Bas.
a. En Italie la théologie était lourdement hypothéquée par un passé spécifique. A la suite de la suppression des facultés d'Etat au XIXe siècle, la théologie était reléguée dans des institutions pontificales et ecclésiastiques, en grande partie coupées de la culture ambiante. Dans les facultés pontificales la théologie était confiée à des ordres religieux et enseignée dans une atmosphère aseptisée. Après le concile un changement se produit. Le pluralisme et l'ouverture se manifestent : des courants significatifs mettent l'accent sur la réflexion méthodologique, l'herméneutique, le symbolisme en théologie : un institut-phare des sciences religieuses est celui de Bologne, sous la direction de G. Alberigo.
Une place à part revient à l'Université Grégorienne, centre emblématique de la théologie dite « romaine ». Dans son exposé, Luis F. Ladaria fait une mise au point sur le rôle que l'on assigne généralement à cette Université. Il note qu'il n'est pas évident que l'Université Grégorienne représente réellement une référence obligée pour la théologie catholique universelle. Néanmoins, elle a l'avantage d'attirer des enseignants : venant de pays très différents. L'auteur présente les plus marquants d'entre eux. Reconnaissons que cette Université joua un rôle irremplaçable, vu la situation créée par la suppression de Facultés de théologie d'Etat en Italie.
b. L'Espagne a connu une situation assez semblable à celle de l'Italie. Longtemps l'enseignement de la théologie était confiné dans les institutions relevant des évêques ou des ordres religieux et était peu ouvert à la culture propre au pays. Cependant de nombreux enseignants recevaient leur formation dans d'autres pays d'Europe. Ainsi une évolution interne s'effectua et l'Eglise d'Espagne put relever avec un certain succès trois défis : réception du Concile, changement du régime politique, modernisation de la société. Le souci du renouvellement s'affirme dans différents domaines : recherche exégétique, études patristiques, théologie fondamentale, ecclésiologie, christologie.
c. Les Pays-Bas occupent une place un peu à part dans ce groupe. En effet, tout d'abord, comme en Italie et en Espagne la théologie s'enseigne dans le cadre des Grands Séminaires, alors que la Faculté de Nimègue n'attire que peu d'étudiants. Mais à partir de 1950, cette Faculté connaît un essor remarquable grâce notamment au rayonnement de E. Schillebeeckx. D'autres instituts sont ouverts et le niveau de la formation théologique se relève progressivement. Cependant le souci de l'ouverture aux problèmes sociaux et aux besoins de la pastorale entraîne une baisse de l'investissement dans la recherche scientifique. Des difficultés non négligeables naissent de l'attitude très critique de certains théologiens à l'égard de l'Eglise institutionnelle. On assiste actuellement à un assagissement et au retour aux questions fondamentales.
II. L'Afrique francophone et l'Afrique anglophone
A. L'Afrique francophone par H. Danet et Eloi Messi Metaga
D'emblée les auteurs signalent la pauvreté des moyens (bibliothèques, publications), la relative jeunesse des instituts de formation universitaire, une écriture qui se cherche encore, la difficulté de définir le contenu d'une théologie africaine. Puis sont présentés trois centres de théologie représentatifs de trois aires culturelles : Kinshasa, qui a connu des débats passionnés autour d'une théologie capable d'intégrer les éléments de l'oralité ; Yaoundé, avec ses efforts pour élaborer une théologie africaine de la libération ; Abidjan, plutôt orienté vers les problèmes d'inculturation. L'exposé montre comment s'opère graduellement le dépassement de préoccupations d'indigénisation trop exclusivement ethnocentriques, servant d'ailleurs dans bien des cas d'alibi. Quelques thèmes ont fait fortune comme ceux de l'Eglise-famille ou du Christ-ancêtre ; les acteurs ne cachent pas les limites de pareilles tentatives. Des progrès notoires ont été effectués dans le domaine de la liturgie: mais encore là l'inventivité n'a pas su éviter des déviations, comme celles qui caractérisent certaines formes d'ordination ou de célébration de l'Eucharistie.
B. L'Afrique anglophone
E. Uzukwu précise d'abord que les protestants ont apporté une contribution plus importante que les catholiques pour la théologie africaine dans cette aire linguistique. Les traits caractéristiques en sont : ouverture aux problèmes de culture, aux problèmes du monde, au dialogue œcuménique. En effet, les communautés chrétiennes sont souvent affrontées aux difficultés naissant de la lutte pour l'émancipation politique et culturelle. Sensibles aux phénomènes de la contextualisation liés à ceux de l'inculturation, les théologiens insistent sur le rôle prophétique des communautés chrétiennes.
III. La théologie en Amérique
A. Le Canada francophone
Pour ce qui est de l'évolution de la théologie au Canada, G. Routhier distingue plusieurs étapes. Il rappelle d'abord fort utilement la situation pré-conciliaire : il s'agit d'une théologie romaine enseignée par un corps professoral formé à Rome et acquis au néo-thomisme. Après le concile, on assiste à un déplacement des centres d'enseignement traditionnels (grands séminaires, universités catholiques) et au développement de Facultés et de Départements de théologie rattachés aux universités publiques du Québec. Dans ces conditions, la théologie catholique bénéficie d'un large développement de l'exégèse, d'un travail de fond sur les sources patristiques et d'une grande créativité au plan de la théologie pratique. Elle se montre ouverte aux influences venant d'Europe, à l'œcuménisme et s'intéresse de près à l'évolution du religieux dans les sociétés contemporaines. L'auteur a le courage de signaler les effets pervers de certains engouements concernant la théologie pastorale. Néanmoins, au Canada, la théologie peut faire valoir un bilan largement positif pour la période étudiée.
B. Les États-Unis
D'emblée Avery Dulles précise qu'il se limite à la théologie dogmatique et qu'il ne traitera pas de la théologie biblique, de la théologie morale, de la pastorale, de la liturgie. Selon lui, Vatican II a sonné le glas de la néo-scolastique et de la méthode déductive. Après le concile, les théologiens orientèrent leurs travaux dans de nouvelles directions : lancement de dialogues œcuméniques et inter-confessionnels aboutissant à des accords partiels, dialogue judéo-chrétien, ouverture sur la philosophie et la science contemporaines. Cependant cette théologie à la recherche d'elle-même doit avouer sa dépendance par rapport à la théologie européenne, si bien que l'on peut parler d'écoles de K. Rahner, H. de Lubac, E. Schillebeeckx, K. Barth. Une place à part revient à B. Lonergan et à D. Tracy, plus soucieux d'une théologie moins dépendante. Même si la théologie nord-américaine reste marquée par des influences européennes, elle a réussi à sortir de son isolement par rapport au monde moderne. L'auteur lance cependant un avertissement : cette théologie risque de perdre le contact avec ses racines patristiques et médiévales. On peut regretter qu'A. Dulles n'ait pas parlé de l'exégèse; en effet, des publications prometteuses ont vu le jour au cours de la période étudiée.
C. L'Amérique latine
Martin Maier, qui a fait des séjours d'étude en Amérique latine, rappelle que jusqu'à Vatican II la théologie enseignée dans les grands séminaires et les Universités pontificales de ce sous-continent était d'importation européenne. La naissance de la théologie de la libération est un phénomène d'autant plus inédit que cette théologie naît hors de l'Europe. D'ailleurs, il faudrait parler des théologies de la libération, vu la diversité des courants. Quoi qu'il en soit, la théologie de la libération est le fruit d'une réception pleine de créativité de grands textes conciliaires comme L'Eglise dans le monde de ce temps. Le concile avait invité à viser l'inculturation et à discerner les signes du temps. Or, en Amérique latine, on ne pouvait rester insensible aux situations inhumaines de pauvreté et d'oppression, dans lesquelles vivait l'immense majorité de la population. Après avoir retracé la naissance et l'évolution de la théologie de la libération et présenté rapidement les principaux courants, l'auteur analyse les aspects du conflit qui éclata autour de cette théologie. Puis il s'efforce de dégager les thèmes les plus originaux qui gardent leur pertinence au-delà des critiques: option préférentielle pour les pauvres, nécessité de tenir compte de l'expérience et de la pratique, à condition de ne pas confondre celles-ci avec la praxis révolutionnaire du communisme.
IV. L'Asie
A. L'Inde et l'Asie du Sud-Ouest
F.A. Machado essaie de montrer le développement qu'a connu la théologie en- Asie du Sud, plus particulièrement en Inde et au Sri-Lanka dans le contexte du dialogue hindou-bouddhiste-chrétien. A la suite de Vatican II qui a voulu promouvoir une vision universelle de la réalité chrétienne, les théologiens, dans cette région du monde, se sont appliqués à élaborer une théologie adaptée aux besoins d'un sous-continent marqué par une extrême pauvreté et par le pluralisme culturel et religieux. Les traits marquants de la théologie sub-asiatique sont la recherche de l'Harmonie au plan individuel, social, cosmique, une christologie cherchant à repenser le rôle de Sauveur universel du Christ, l'approfondissement de thèmes comme le Christ-Voie, la kénose de Dieu. Une constante de cette théologie est le souci de comparer la doctrine chrétienne à celle d'autres religions et d'acquérir une compréhension plus juste des représentations qu'elles véhiculent.
B. Le monde sinisé : Chine, Taïwan, Corée, Japon
Benoît Vermander propose un aperçu sur le développement de la théologie catholique dans une aire culturelle où le nombre restreint des catholiques empêche souvent d'atteindre la masse critique nécessaire à l'émergence d'une école spécifique. Il évoque aussi les difficultés d'ordre linguistique qui rendent bien compliquée l'énonciation des vérités de la foi chrétienne en langue chinoise. Les lieux privilégiés pour l'élaboration d'une théologie sinisée sont le dialogue avec la tradition philosophique chinoise, le rapport au bouddhisme, le rapport aux traditions populaires autochtones. Dans cette région du monde la théologie catholique en est encore à un stade qu'on pourrait qualifier d'embryonnaire. Aussi l'auteur est-il amené à définir des axes prioritaires de recherche en vue de la constitution d'une théologie propre: mise au point d'une théologie fondée sur la narrativité en vue d'éviter les impasses d'une théologie trop abstraite, élaboration d'une théologie attentive à la contextualité, effort pour intégrer les valeurs de paix et d'Harmonie propres à ces pays, exploitation du thème de l'énergie vitale pour la présentation d'une anthropologie adaptée aux conceptions de ces peuples.
Postface
En guise de conclusion, J. Doré a rédigé une postface qui représente une excellente ressaisie et mise en perspective. L'auteur relève à juste titre les lignes de forces suivantes.
- L'évolution qui s'est produite depuis Vatican II prouve qu'un passage décisif s'est effectué d'une théologie d'école de tendance néo-thomiste à une théologie ouverte à la culture ambiante et aux: besoins de la pastorale.
- Après une période de relative euphorie et d'intense activité, l'après-concile connut une période de contestation assez radicale : protestations contre des conceptions jugées dépassées en ce qui concerne les ministères et les structures d'Eglise ainsi que la définition des priorités des actions à mener. Cependant, depuis 1990, on assiste à une sorte d'apaisement de l'effervescence et à une prise de conscience de nouvelles urgences.
- Le concile fut à l'origine d'une sensibilisation aux problèmes liés à la catholicité de l'Eglise et à la nécessité de promouvoir une théologie soucieuse de s'inscrire dans des contextes culturels spécifiques, au-delà d'une simple adaptation. Au lieu de l'unité dans l'uniformité il faut assurer dorénavant l'unité dans la légitime diversité.
- Ce qui est significatif, c'est que la théologie se montre très attentive aux questions de pastorale et de catéchèse, en cherchant ainsi à rejoindre les chrétiens dans leurs situations concrètes. Le recours aux sciences humaines est de plus en plus développé : linguistique, sciences historiques, sociologie, ethnologie, psychanalyse. Bien entendu, les effets d'emballement risquaient de créer des déviances, dont la plus grave était la mise entre parenthèses de questions fondamentales comme clle de Dieu et celle du mystère de l'Eglise, sacrement du salut en Jésus Christ.
- Un tournant anthropologique est intervenu. La théologie s'est attachée à prendre en compte l'homme dans son devenir historique et s'est impliquée dans une réflexion sur la dimension pratique et « politique » du christianisme. Sous ce rapport, elle a prouvé qu'elle n'a pas besoin de s'appuyer sur des idéologies politiques ; elle trouve sa justification dans l'Incarnation bien comprise et elle dispose de principes de conduite provenant du message de Jésus: l'appel à la charité et à l'amour des pauvres reste toujours d'actualité. Mais la théologie doit aussi lutter contre l'extension inquiétante du désert spirituel, générée par une conception unilatéralement axée sur le bien-être matériel, le rendement économique, le mythe du progrès. L'homme contemporain attend des réponses sur le sens de son existence et de son action.
- La vitalité des grandes religions inflige un cinglant démenti à ceux qui en Occident avait annoncé la fin de la religion. Le dialogue avec les religions soulèvera d'épineuses questions s'adressant à la théologie catholique) mais celle-ci ne saurait s'y soustraire.
Ce rapide survol devrait montrer tout l'intérêt de l'ouvrage recensé. Après Vatican II, la théologie catholique a ouvert des chantiers où l'on n'a pas chômé; des forces vives se sont activées; sous bien des rapports, les résultats sont encourageants, voire flatteurs. Mais en même temps les différentes contributions font comprendre que de nouvelles initiatives sont nécessaires pour consolider les acquis et pour rendre possibles de nouvelles avancées. Sachons gré à J. Doré d'avoir édité cet ensemble monumental : l'entreprise était ambitieuse, elle fait honneur au maître d'œuvre et ouvre de vastes perspectives sur les tâches de la théologie en ce début du IIIe millénaire.


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