REVUE : LETTRE DE LIGUGÉ 281, 1997

Cet ouvrage, nourri de citations brièvement commentées et clairement articulées, comporte six parties.
I. « Situation de la mystique » : 'Mystique et théologie', 'Mystique et métaphysique', 'Mystique et poésie'.
II. « Le Dieu des mystiques » : 'De l'Absolu' ; 'Au Dieu inconnu' ; 'La naissance de Dieu dans l'âme'.
III. « La lutte et le désir » : 'Le discernement', 'Le combat spirituel', 'Éloge du désir'.
IV. « Les excès de la mystique » : 'Mysticisme et érotisme', 'Mysticisme et masochisme', 'Mysticisme et intégrisme',
V. Le danger de la mystique : 'Le vertige des profondeurs', 'Les tentations de la mystique', 'Le goût du merveilleux et la grâce de l'émerveillement'.
VI. La prière mystique : 'Le langage mystique', 'De la méthode en spiritualité', la prière 'inconsciente'. […]
Devant le retour du sacré, le foisonnement des sectes, la recherche parfois ambiguë d'une identité religieuse, Dom Miquel précise le terrain ou peut se situer la mystique et cherche à en éviter les dérives. Sans viser à être exhaustif, s'appuyant surtout sur la Bible, saint Jean de la Croix, les Pères et les maitres de la spiritualité monastique, les théologiens et les philosophes de 1930 à 1970, les spécialistes de la mystique et des sciences humaines, les mystiques musulmans, il lance des éclaircies dans ce qui peut être un maquis ou une forêt embrumée. Méfiant envers la recherche d'expériences mystiques trop faciles, sans la nécessaire purification ascétique préalable, tout autant qu'envers une théologie spéculative desséchante, il veut non pas décourager la recherche spirituelle, mais la libérer pour l'axer non pas sur le moi propre, mais sur le Dieu vivant puisque « dans la vie spirituelle, l'initiative appartient à Dieu » (p. 200).
Parmi les nombreuses références fournies, certaines sont un peu elliptiques, ainsi celle dont le titre doit être ainsi complété (p. 214) : W. VOLKER, Das Vollkommenheitsideal des Origenes, Le chapitre « Mystique et métaphysique » pourrait être prolongé à la rencontre des philosophies récentes. On saura gré à l'auteur d'avoir constitué des dossiers suggestifs sur des approches très diverses. Le livre est un peu à l'image de son sujet : les premiers chapitres sont plus difficiles, l'accent mis sur les dangers amène le lecteur à être déconcerté quant à la possibilité d'une vraie expérience mystique. Mais un point de dénouement est le chapitre sur le merveilleux et l'émerveillement : émerveillement philosophique devant le réel, émerveillement du croyant devant les mirabilia Dei. C'est là en effet, comme l'avait rappelé le Père Bouyer dans La spiritualité chrétienne (1960), p. 300, que réside la vraie mystique, connaissance et amour de Dieu purs et transparents : tout croyant de bonne volonté peut être mystique sans le savoir.