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L'ÉVANGILE RETROUVÉ. JÉSUS ET L'ÉVANGILE PRIMITIF

L\'ÉVANGILE RETROUVÉ. JÉSUS ET L\'ÉVANGILE PRIMITIF

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Date d'ajout : vendredi 22 janvier 2016

par A.-G. HAMMAN

REVUE : BULLETIN DE LITTÉRATURE ECCLÉSIASTIQUE, janvier 1999

Sous un titre quelque peu provocateur est publiée une étude posthume et inachevée de Pierre Nautin, sur l'Évangile primitif, source commune des trois Synoptiques, en premier lieu de Luc, pivot de la démonstration. L'auteur cherche à décrypter la genèse depuis le document primitif jusqu'aux évangiles synoptiques écrits entre la destruction du temple de Jérusalem (70) et les premières années du IIe siècle (cf. p. 27).
La sagacité du regretté patristicien use de la méthode mise au point dans ses travaux sur Origène, Méliton de Sardes, Hippolyte de Rome, où il a su tracer des chemins nouveaux. Méthode historique qui pose deux questions fondamentales : l'auteur est-il bien informé ? Est-il fidèle ? (p. X). Pour y parvenir P. Nautin analyse minutieusement le texte, en supputant chaque épisode, chaque phrase, pour dégager le contenu à la fois de la partie primitive et celle de la rédaction nouvelle de l'évangéliste synoptique.
L'Évangile, attribué à Luc, recourt à une source essentielle qui est l'Évangile primitif, composé d'un prologue, d'un épilogue (p. 53 ; 145-148) et d'une partie centrale jusqu'ici communément appelée les Dits ou Logia de Jésus, groupés approximativement dans un ordre logique et dont l'auteur fournit les titres (p. 158). Il eût été utile d'en fournir le texte continu.
L'Évangile primitif provient d'un auteur anonyme, qui disposait d'une source écrite ou orale à laquelle il a puisé en lui apportant des compléments (p. 159). À l'aide d'exemples précis, P. Nautin découvre à l'origine des Logia deux auteurs différents "dont le second connaît les Dits du premier, les reproduit et leur ajoute des Dits nouveaux destinés à les développer" (p. 168).
Que les Logia attestent "deux auteurs différents" paraît découler des exemples fournis. Mais pourquoi les limiter à deux, alors que Luc - avec une certaine emphase il est vrai - affirme que beaucoup ont entrepris de composer un récit des événements" ?
P. Nautin montre comment Luc connaît et utilise, outre l'Évangile primitif, les deux évangiles de Marc et de Matthieu. Ce qui lui permet d'y déceler les emprunts qui proviennent également de la source commune et primitive (cf. p. 158) : les Dits authentiques de Jésus.
Manquent au corps du livre les chapitres XXVII-XXX : l'apport doctrinal des évangiles successifs (p. 283). Plus regrettable encore est que la mort a empêché l'auteur de revoir l'ensemble de son ouvrage.
De l'analyse fournie, Pierre Nautin déduit en premier lieu l'historicité incontournable de Jésus de Galilée. "L'idée périodique récurrente que Jésus est un mythe est de plus en plus insoutenable" (p. 227). S'y ajoutent trois faits essentiels : le ministère de Jésus "était le résultat de son évolution religieuse personnelle" ; la rédaction et la divulgation de l'Évangile primitif manifestent la réalisation parfaite des prophéties biblique ; la ruine du Temple et sa répercussion à la fois historique et politique (p. 241-242).
Reconnaissons le sérieux de l'analyse qui contraste avec les essais de nombreux "apprentis-sorciers", sans formation historique. L'auteur s'en tient à ce qui lui paraît scientifiques et sûr, grâce à une méthode critique sans faille. Il le fait avec modestie, se sachant "ni infaillible ni définitif (p. 243).
Les certitudes dégagées sont importantes et même vitales. Restent des interrogations ? Les sources répertoriées sont-elle complètes ? D'où viennent les autres Logia de Jésus, conservés par les écrits des trois premiers siècles ? Nous ne pouvons que regretter que la mort ait empêché l'auteur d'achever et de revoir son œuvre. Paix a sa mémoire.


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