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TH n°111 DOCTRINE ET EXPÉRIENCE DE L'EUCHARISTIE CHEZ GUILLAUME DE SAINT-THIERRY

TH n°111 DOCTRINE ET EXPÉRIENCE DE L\'EUCHARISTIE CHEZ GUILLAUME DE SAINT-THIERRY

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Date d'ajout : mardi 22 décembre 2015

par Monique DESTHIEUX

REVUE : REVUE DES SCIENCES RELIGIEUSES, juillet 2001

En qualifiant Guillaume de Saint-Thierry de mystique, certains ont peut-être supposé que Guillaume ne s'intéressait qu'à la vie spirituelle et non à la vie sacramentelle, occultant l'articulation entre expérience intime et médiation sacramentelle. L'étude de Matthieu Rougé, faite avec rigueur et une fine connaissance de la pensée de Guillaume, voudrait montrer le rôle de l'eucharistie dans la doctrine et l'expérience de l'abbé de Saint-Thierry et mettre en évidence sa contribution à la théologie sacramentaire qui était en pleine évolution au XIIe siècle.
L'ouvrage est divisé en trois parties. Dans la première, Matthieu Rougé se propose de suivre les œuvres de Guillaume chronologiquement pour relever ce qu'elles ont énoncé au sujet du sacrement de l'autel. Guillaume aborde l'eucharistie sous des angles variés. Cette variété découle de la diversité des circonstances et des genres littéraires dans lesquels il s'exprime. Il constate que dans ses essais sur l'amour : La contemplation de Dieu et de la Nature et de la dignité de l'amour, l'abbé de Saint-Thierry parle peu de l'eucharistie ou de manière marginale. En fait Guillaume va être amené à préciser sa propre conception de ce sacrement en réponse à un écrit sur le corps et le sang de Rupert de Deutz. Selon lui, Rupert de Deutz s'est exprimé sur l'eucharistie en un style imagé certes mais qui manque d'exactitude et de rigueur. Guillaume, pour préciser sa doctrine, a recueilli, médité, confronté les sentences des Pères, d'Augustin en particulier, concernant l'eucharistie. C'est « dans l'élan de ce travail » qu'a jailli le traité Du sacrement de l'autel. Les enseignements les plus significatifs de sa Lettre à Rupert et du traité rédigé dans son sillage concernent la transformation que le pain et le vin subissent à l'autel. Évoquant la puissance illimitée du Ressuscité, il montre sa capacité de se rendre présent en vue de notre salut sur la table eucharistique. Contre Rupert qui en reste à la dualité du visible et de l'invisible, l'abbé de Saint Thierry donne au mot sacramentum une dimension profondément spirituelle.
Dans la suite de ses ouvrages, écrits la plupart lorsqu'il est moine cistercien à Signy, la doctrine eucharistique surgit comme une rivière souterraine (p. 110) mais elle n'occupe jamais la première place. L'eucharistie n'intéresse Guillaume que dans la mesure où elle est un chemin vers une communion amoureuse, une porte ouverte sur l'unification spirituelle entre son esprit et l'esprit de son Seigneur. Guillaume insiste surtout sur l'union intime que la communion eucharistique doit favoriser entre chacun et le Christ. Le fidèle communie pour que le Christ soit en lui et lui dans le Christ.
Dans une deuxième partie, l'auteur invite à regarder la signification du symbolisme des principaux thèmes eucharistiques : la nourriture, le sacrifice, la mémoire.
Le symbole de la nourriture, sous l'aspect du pain et du vin, permet de manifester à quel point le don de Dieu en son Fils est généreux : le corps du Christ nous est offert quotidiennement comme notre pain à chacun il revient de l'accueillir au plus profond de lui-même.
Pour parler de la vie monastique, Guillaume a souvent recours au vocabulaire du sacrifice. Il exprime par ce terme l'offrande à Dieu que le moine fait de toute sa vie et de sa personne. C'est le sacrifice dit « spirituel ». Le paradigme de l'offrande parfaite est celle du Christ mort sur la croix. Guillaume, en se référant à La lettre aux Hébreux, lie l'unique sacrifice du Christ à l'offrande incessante que le Christ glorifié fait à son Père de toutes les vies des croyants. Dans l'eucharistie se mêlent intimement l'offrande du Fils avec le sacrifice spirituel de tous les participants. Cependant, recommande Guillaume, l'offrande de nos cœurs ne se limite pas au temps de la célébration eucharistique. C'est par toute notre vie que nous sommes appelés à rendre à Dieu le culte et la louange qui lui sont dues.
Comme pour le thème de la nourriture et du sacrifice, l'auteur cherche à situer la notion de mémoire dans l'œuvre de Guillaume avant d'en faire le lien avec le sacrifice de l'autel. La mémoire, donnée à l'homme par le Créateur, est placée au sommet de ses facultés pour qu'elle entretienne en sa conscience le souvenir suave des bontés du Père et des mérites du Christ. Elle est à la source du bon usage de la raison et de la volonté. A chaque eucharistie, le fidèle est invité à participer activement à la mort et à la résurrection du Christ et à en faire mémoire. Corrélativement la célébration de ce mystère fondamental a le rôle d'inscrire toujours plus profondément l'offrande du Christ sur la croix dans la mémoire du croyant.
Dans sa troisième partie, l'auteur nous fait part, avec perspicacité, de l'itinéraire eucharistique de l'abbé de Saint-Thierry : itinéraire parce que, dans la vie comme dans la pensée de Guillaume, l'expérience spirituelle prend toujours la forme d'un chemin, d'un passage, d'un progrès vers ce Dieu qui lui-même, par son Fils, en son Esprit, ne cesse de s'approcher de l'homme. Ainsi un double mouvement est analysé, celui qui va de l'homme vers Dieu et celui qui va de Dieu vers l'homme.
Guillaume a pris conscience que l'eucharistie, réalité à la fois corporelle et spirituelle, est bien adaptée à la constitution bipartite (corps-esprit) de l'homme. Elle permet de célébrer « visiblement » ce qu'il est nécessaire de comprendre « invisiblement ». Sans employer encore le terme transsubstantiatio qui est née, fait remarquer Matthieu Rougé, dans un contexte monastique au XIIe siècle, et non dans le contexte universitaire du XIIIe siècle, Guillaume, dans la compréhension de la doctrine eucharistique et dans l'expression qu'il en donne, est très proche de sa signification. Un principe simple et ferme guide notre auteur : Rien ne doit être supposé faux dans le sacrifice de vérité (Lettre à Rupert). Après la consécration, il n'y a plus à l'autel que le corps et le sang du Christ ; du pain et du vin, ne demeure que l'apparence qui désigne et voile en même temps le Seigneur s'offrant en nourriture.
Si le thème de la présence est important, celui de la transformation ne l'est pas moins. Le Christ est présent à l'autel pour être présent en nous : le pain et le vin sont transformés pour que nous soyons transformés, pour qu'il y est renouvellement de notre intériorité blessée et assimilation progressive à la vie même de Dieu. Le changement de substance du pain et du vin est au service du changement substantiel des hommes. Et plus grande sera la ressemblance de l'homme avec le Christ Jésus, plus parfaite sera sa vision de Dieu. Guillaume développe à maintes reprises le thème de la ressemblance à Dieu en lien avec l'aspiration à le voir face à face. Cette transformation du fidèle, par la célébration du mémorial du Seigneur, au plus profond de son cœur, l'amène à être pleinement incorporé au corps du Christ qui est l'Église. Guillaume ne dévalorise pas l'importance de l'Église. Il y reconnaît le corps structuré par la grâce, unifié par la charité, auquel tous sont invités à s'incorporer toujours davantage au cours de l'eucharistie. Elle est appelée à former dans sa plus profonde vérité, grâce à la force de l'Esprit, une communauté spirituelle.
Pour conclure, Matthieu Rougé fait remarquer que si l'eucharistie n'est présentée que discrètement à l'intime de la vie spirituelle, dans l'œuvre de Guillaume, elle a cependant une place de choix dans la manifestation de l'amour incessant de notre Dieu trinitaire pour sa créature. C'est pour exprimer le feu de cet amour que le Fils se donne par le Père et l'Esprit dans l'eucharistie. Ce sacrement est la porte ouverte, à franchir dans la foi, vers la communion amoureuse avec le Dieu tant désiré.
L'étude de Matthieu Rougé a le mérite de donner des arguments pour un approfondissement œcuménique de la compréhension du sacrement de l'autel à travers l'expression qu'en donne Guillaume.


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